
En éducation à la petite enfance, la qualité est considérée comme déterminante pour soutenir le développement des enfants. La qualité des interactions serait la dimension la plus importante à considérer pour promouvoir le développement global des poupons. Cet article, rédigé par Emma Bernard, étudiante à la maîtrise en éducation à l’UQÀM, décrit pourquoi il est important de considérer la qualité éducative en pouponnière. Cet article se penche notamment sur les questions suivantes pour démystifier le sujet. Que sont des interactions de qualité en pouponnière et quel rôle joue l’adulte pour l’atteinte de niveau élevé ? Quelle est l’importance des interactions de qualité pour le poupon ? Comment reconnaître une pouponnière offrant des interactions de qualité ? Et comment savoir si l’éducateur·trice constitue une base de sécurité pour votre enfant ?
Pourquoi parler de la qualité éducative en pouponnière ?
L’éducation à la petite enfance est désormais une réalité quotidienne pour bon nombre d’enfants avant leur entrée à l’école. Au Québec, ce sont en moyenne 64,8 % des enfants qui commencent à fréquenter un service de garde éducatif à l’enfance avant l’âge de 2 ans. En mars 2021, les poupons, soit les enfants âgés de moins de 18 mois, représentaient 17,3% des enfants inscrits en service de garde éducatif. La plupart y passent généralement cinq journées par semaine, et certains y passent même plus de 45 heures hebdomadairement. Il devient donc nécessaire de considérer la qualité éducative de ces environnements de vie importants pour les jeunes enfants.
Plusieurs recherches ont démontré qu’une qualité éducative de niveau élevé dans les services de garde éducatifs aurait une incidence positive sur le développement des enfants[i]. Plus spécifiquement, ce serait la dimension de la qualité des interactions entre l’adulte et l’enfant qui serait déterminante. En effet, les interactions de qualité élevée entre le personnel éducateur et les enfants sont associées à des gains développementaux dans plusieurs sphères, notamment au niveau de la :
- Communication
- Résolution de problèmes
- Motricité fine
- Régulation des émotions.
Ces gains sont particulièrement importants chez les enfants provenant de milieux socioéconomiques défavorisés[ii].
Qu’est-ce qu’on considère être des interactions de qualité ?
Une des premières questions qui se pose alors concerne ce qui caractérise des interactions de qualité. Les écrits récents résument les interactions favorables comme étant chaleureuses, significatives, sensibles et stimulantes. Concrètement, une qualité des interactions de niveau élevé se traduit par :
- Le maintien d’un climat positif, où l’enfant se sent en sécurité physique et affective. L’adulte agit avec douceur, proximité, attention conjointe et respect du poupon.
- L’absence d’un climat négatif dans lequel on retrouverait des cris, des menaces et des punitions.
- La présence d’une sensibilité de la part du personnel éducateur. Les interactions sont empreintes de bienveillance et on répond avec rapidité de réponse aux besoins des poupons. Il y a également une flexibilité dans l’organisation de la journée.
- Le personnel éducateur est engagé et stimulant, facilitant ainsi l’exploration du poupon.
Bref, le personnel éducateur joue un rôle de premier plan dans l’offre d’interactions de qualité. En effet, le personnel assure un environnement empreint de relations positives permettant au poupon d’évoluer en pleine sécurité. Cette base sécurisante permet à ce dernier d’explorer son environnement de façon autonome. Dans un environnement riche, l’éducateur·rice peut alors saisir des moments propices afin de soutenir le poupon dans ses explorations et ses apprentissages.
Quelle est l’importance des interactions de qualité pour le poupon?
L’importance de la qualité des interactions en pouponnière peut être abordée sous deux angles principaux.
1. L’importance pour le développement du cerveau du poupon
Le développement cérébral du poupon est le premier angle justifiant l’importance d’interactions de qualité. En effet, les cerveaux des poupons ont une grande plasticité, faisant de cette période un moment sensible du développement. Les transformations cérébrales rapides et intenses se produisent au cours de la première année de vie, rendant le cerveau du poupon particulièrement sensible à ce qui se trouve dans son environnement, ainsi qu’aux changements[i].
À cet âge, le poupon dépend grandement des adultes pour satisfaire ses besoins de base. En étant une personne en charge de répondre à ces besoins, l’éducateur·trice a donc une incidence particulièrement importante sur le développement du cerveau.
Lorsqu’ils intègrent le service de garde éducatif, la plupart des poupons vivent une première séparation avec leurs parents et entrent en contact avec un environnement physique et social qui ne leur est pas familier. Les interactions de qualité qu’offre la personne éducatrice à l’enfant jouent donc un rôle primordial. Notamment, de sécuriser le poupon, de lui offrir un environnement prévisible, d’être attentif à ses besoins et d’y répondre avec sensibilité, proximité, engagement et réciprocité. Ceci offre les conditions optimales de développement global.
2. L’importance pour le lien d’attachement
Le lien d’attachement est le second angle pour expliquer l’importance d’interactions de qualité. La recherche sur la théorie de l’attachement a démontré que le lien d’attachement entre l’adulte et l’enfant servirait de base pour lui permettre d’explorer le monde qui l’entoure. Un lien d’attachement dit « sécurisant » permet au poupon de s’éloigner de l’adulte en toute confiance, car il sait que sa « base de sécurité » reste présente et disponible pour répondre à ses besoins. La majorité des poupons développent un attachement de type « sécure » avec leurs parents ou toute autre personne responsable d’eux.
La fréquentation des services de garde éducatif suscite des préoccupations quant à l’attachement des poupons. Que se passe-t-il lorsque le poupon est séparé de sa figure principale d’attachement? Peut-il développer un lien d’attachement sécurisant avec plus d’une personne? Les recherches récentes montrent que c’est non seulement possible, mais aussi souhaitable. Avoir plus d’une figure d’attachement serait un atout pour le poupon en permettant de promouvoir son bien-être.
L’éducateur·trice peut devenir une figure d’attachement secondaire en s’engageant dans des échanges chaleureux et répond de manière constante, sensible, rapide et adéquate aux besoins du poupon. La personne éducatrice a comme rôle de mettre en place l’environnement dans lequel le poupon évolue, de le sécuriser et l’encourager à s’engager avec ce qui l’entoure[i] et à développer d’autres relations[ii]. En favorisant le développement d’un lien d’attachement sécurisant, l’éducateur·trice peut promouvoir le bien-être de l’enfant. De plus, ce lien peut s’avérer être particulièrement important pour pallier à une relation moins positive avec d’autres figures d’attachement.
Comment reconnaître une pouponnière offrant des interactions de qualité?
Alors que vous êtes à la recherche d’un service de garde éducatif pour accueillir votre enfant, il est possible pour vous d’observer des comportements du personnel éducateur donnant un indice de la qualité des interactions dans une pouponnière. Par exemple, le personnel éducateur :
- qui vous accueille dans le local d’appartenance lorsque vous allez porter et chercher votre enfant au SGEE est le même.
- est disponible pour l’enfant. Par exemple, l’éducateur·trice se place à la hauteur des enfants pour leur parler, joue au sol avec eux, porte attention à ce qui intéresse l’enfant, prend du temps pour observer chaque poupon.
- respecte le rythme de chaque enfant, lui permettant d’intégrer progressivement le groupe, de dormir lorsqu’il en a besoin et de manger selon ses goûts et son appétit.
- est calme, utilise un ton de voix chaleureux, fait preuve de respect, et vous accueille avec le sourire en cherchant à en apprendre plus sur votre enfant et à vous parler de lui.
- offre un environnement et des expériences axés sur les besoins et intérêts des poupons (centré sur le jeu, suffisamment de matériel pour permettre plusieurs types d’exploration, sensorielle, langagière et motrice, les explorations des enfants sont affichées).
Comment favoriser et reconnaître une relation sécurisante avec l’éducateur·trice
À l’entrée en service de garde éducatif, il est normal que votre enfant prenne un peu de temps avant de créer un lien avec son éducateur·rice. Beaucoup d’enfants pleurent à l’entrée et à la sortie du service de garde, et ce, même s’il·elle·s ont eu du plaisir lors de la journée. C’est tout naturel, et est une façon pour l’enfant de se décharger de ses émotions à votre contact. Il se pourrait également que vous remarquiez des changements comportementaux à la maison. La plupart des poupons passent par cette phase d’intégration, chacun à leur rythme.
En tant que parent, vous avez un rôle à jouer pour favoriser une relation de qualité entre l’éducateur·trice et votre enfant. Il est important de montrer à votre enfant que l’éducateur·trice est une personne de confiance par vos gestes et paroles. Ainsi, les interactions que vous entretenez avec l’éducateur·trice devant votre enfant devraient être positives. De plus, il est important d’assurer des transitions qui sont prévisibles, stables et harmonieuses.
Avec le temps, vous saurez que l’éducateur·rice du groupe représente une base de sécurité pour votre enfant, lorsqu’il·elle :
- ira directement dans le bras de son éducateur·trice sans pleurer le matin
- vous accueillera avec le sourire le soir
- retrouvera ses comportements habituels à la maison
- vivra des évolutions significatives au service de garde, telles que commencer à marcher, manger seul, dire des mots, faire de plus longues siestes.
[i]Bigras et Japel, 2007 ; Bigras et al., 2020; Van Huizen et Plantenga, 2018 ; Xie et al., 2021
[ii]Baustad et Bjørnestad, 2020 ; Cadima et al., 2020 ; Couturier et Hurteau, 2016 ; Hatfield et al., 2016; Drouin et al., 2021
[iii]Van Huizen et Plagenta, 2018; Risi et Sissoko, 2015
[iv]Cadima et al., 2020 ; Pinto et al., 2019
[v]Chiasson-Roussel, 2021 ; Page et Elfer, 2013
À propos de l’autrice

Emma Bernard est étudiante à la maîtrise en éducation à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et est membre étudiante de l’Équipe de recherche Qualité des contextes éducatifs de la petite enfance. Dans le cadre de son projet de recherche, elle s’intéresse à mieux comprendre la qualité éducative en pouponnière et principalement les variables de la qualité des orientations qui se rattachent au personnel éducateur.