Les traumas complexes durant l’enfance

Les traumas complexes durant l’enfance peuvent avoir des impacts importants sur le développement des enfants.

Les traumas complexes durant l’enfance (ou les traumas développementaux complexes) représentent un enjeu d’ordre sociétal. En effet, ils affectent lourdement le développement et la santé des enfants. Dans la première partie de cet article, Camille Guérin-Marion, doctorante en psychologie clinique à l’Université d’Ottawa, explique les façons dont on répertorie les différents types d’expériences traumatiques. Elle discute également des raisons pour lesquelles on distingue les traumas vécus à l’enfance de ceux vécus à l’âge adulte.

Note : L’information présentée dans cette ressource est fournie à des fins éducatives seulement. Elle ne remplace pas les directives d’un.e professionnel·le de la santé mentale.

On estime que jusqu’à deux tiers des enfants sont exposés à un ou plusieurs évènements potentiellement traumatiques durant l’enfance ou l’adolescence. Malgré leur prévalence, on continue de sous-estimer les impacts de telles expériences sur le développement des enfants.

Qu’est-ce qu’un trauma ou traumatisme?

Un évènement traumatique est une expérience terrifiante ou extrêmement bouleversante qui menace notre vie, bien-être, ou intégrité physique. Dans certains cas, une personne peut subir les effets d’un trauma même lorsqu’elle n’est pas personnellement victimisée ou exposée à l’incident. Par exemple, le fait d’apprendre qu’un proche a subi un évènement terrifiant pourrait être traumatique. On peut aussi penser aux intervenant·e·s de première ligne qui travaillent auprès des victimes ou sur les scènes de crime. Ces personnes sont souvent lourdement affecté·e·s par les détails et images à caractère troublant auxquels elles sont exposées régulièrement.

Quels sont les effets d’un trauma sur la personne?

La réponse est complexe. Un certain pourcentage de gens qui font face à de tels évènements développeront des symptômes qu’on appelle « post-traumatiques ». On parle ici de symptômes mentaux, physiques et émotionnels qui persistent longtemps après l’exposition à l’évènement traumatique en soi. Par exemple, certaines personnes restent habitées par un sentiment de peur, d’angoisse, de colère, et/ou d’hypervigilance élevés. Plusieurs sont dérangées par des cauchemars, images, ou pensées intrusives reliées à l’évènement traumatique. Certains gens s’efforcent continuellement d’éviter les choses qui pourraient leur rappeler l’évènement. Voici une ressource qui décrit ces symptômes plus en détail.

Ceci étant dit, la nature d’un trauma et ses effets sur la personne varient selon une panoplie de facteurs. La durée ou fréquence de l’expérience traumatique jouera notamment à ce niveau. En effet, les traumatismes qui surviennent à répétition et/ou qui affectent une personne de façon chronique (p. ex., la violence communautaire ou la guerre) ont tendance à affecter le développement et le bien-être d’une personne plus globalement qu’un évènement vécu de façon isolée.

Un autre facteur qui influence les effets d’un trauma sur une personne émerge du contexte relationnel qui entoure l’expérience traumatique. Ce facteur est particulièrement important pour les enfants et adolescents. Un trauma qui se produit dans le contexte d’une relation intime ou proche (p. ex., la violence conjugale) est souvent particulièrement troublant pour la personne affectée. En effet, ces traumas ont tendance à affecter la façon dont une personne se perçoit et se sent avec les autres. Ils peuvent notamment fragiliser son estime de soi, son sentiment d’auto-efficacité, sa capacité à contrôler ses émotions, et sa capacité à faire confiance aux autres.

Pour ces raisons, on appelle communément les traumas chroniques et/ou relationnels les « traumas complexes ». Les enfants qui vivent de tels traumas complexes sont profondément affectés par ces expériences. On continue à expliquer pourquoi dans la section qui suit.

Les traumas complexes vécus durant l’enfance : Une catégorie à part  

Tout type de trauma a le potentiel de causer des souffrances. Toutefois, les traumas qui sont vécus durant l’enfance ou l’adolescence, comparativement à l’âge adulte, peuvent avoir un effet particulier sur le développement de la personne. Leur impact risque d’être amplifié s’il s’agit d’un trauma répété ou prolongé, et causé par une figure d’attachement de l’enfant (ou tout autre adulte qui devrait être responsable de protéger l’enfant). Dans cette catégorie d’expériences, on inclut notamment:

  • La violence physique, sexuelle, émotionnelle et/ou psychologique
  • La négligence parentale
  • L’exposition à la violence conjugale ou la violence envers d’autres membres de la famille
  • Les facteurs d’instabilité chez les parents ou donneurs de soin principaux (p.ex., abus de substances, criminalité)
  • L’abandon ou séparation tragique d’un parent ou donneur de soin (p.ex., incarcération)

Les experts utilisent parfois le terme « traumas complexes vécus durant l’enfance » pour définir un trauma qui survient dans un tel contexte. On parle ainsi d’un trauma précoce, répété, et relationnel. Un enfant est souvent incapable de fuir ou de se défendre face à de telles expériences. Ce type de traumas engendre donc des sentiments de peur et de confusion qui peuvent être particulièrement dévastateurs pour le développement.

Pourquoi est-il pertinent de s’intéresser aux traumas complexes à l’enface spécifiquement?

Voici quelques pistes de réponse.

  • Les traumas complexes durant l’enfance ont une tendance particulière à s’accumuler au fil du temps. Dit autrement, lorsqu’un de ces traumas survient durant l’enfance (p. ex., l’abus émotionnel), les chances sont très élevées que l’enfant soit exposé à d’autres types d’adversité (p. ex., l’abus physique, être témoin de violence domestique, etc.).
  • Les traumas complexes durant l’enfance ont une tendance particulière à se répéter à travers les générations. Par exemple, les façons dont un enfant est traité par ses parents influencent souvent les façons dont il·elle élèvera ses propres enfants, et ainsi de suite. Encore plus remarquablement, l’impact des traumas complexes qu’ont subi les enfants autochtones envoyés dans les pensionnats indiens au Canada jusqu’en 1996 continue d’être profondément ressenti à ce jour dans la jeune génération, et ce, à plusieurs niveaux.
  • Contrairement aux traumas vécus à l’âge adulte, les traumas vécus durant l’enfance surviennent dans un contexte de dépendance sur l’adulte. En tant qu’enfant, on dépend lourdement de la protection et de la disponibilité de nos parents pour notre survie et notre développement. Quand un parent ou un adulte responsable devient plutôt une source de peur ou d’instabilité pour l’enfant, plusieurs besoins essentiels ne peuvent pas être comblés et l’enfant est laissé à lui-même pour s’auto-protéger. Assurément, ce contexte augmente beaucoup la vulnérabilité des enfants face à ces traumatismes.
  • Les traumas complexes vécus durant l’enfance affectent le développement du système nerveux et du cerveau. À travers l’enfance, le cerveau est en croissance très rapide. Les parties du cerveau qui gèrent plusieurs fonctions essentielles (entre autres, celles qui nous aident à réguler nos émotions) et leurs réseaux se développent largement dans les premières années de vie. Lorsqu’un enfant grandit dans un environnement imprévisible et chaotique, le développement de son cerveau et de son système nerveux sont affectés négativement. Ceci peut donner lieu à des effets souvent globaux sur le comportement, les émotions, les relations, l’estime de soi, la santé physique, et certaines capacités cognitives de l’enfant.

La deuxième partie de cet article aborde les effets des traumas développementaux complexes sur le développement de l’enfant. Il discute également des traitements pour le trauma.

Veuillez consulter le site web du Consortium canadien sur le trauma chez les enfants et adolescents pour plus d’informations. Ce site contient des infographiques et des ressources en français à propos des traumas complexes à l’enfance.

À propos de l'autrice
À propos de l’autrice

Camille Guérin-Marion est une chercheuse et candidate au doctorat en psychologie clinique à l’Université d’Ottawa. La recherche de Camille se penche sur l’automutilation chez les jeunes, les relations parent-enfant, et la régulation émotionnelle. Dans le contexte de sa formation clinique, Camille offre des services psychologiques auprès d’enfants, adolescents et familles.

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