
Le TDAH et le traumatisme sont des troubles distincts; cependant, plusieurs de leurs symptômes se confondent. Il est nécessaire d’identifier leurs causes et leurs symptômes uniques à chacun de ces troubles afin de cibler l’intervention appropriée. Dans cet article, Michela DiStefano, doctorante en psychologie clinique à l’Université d’Ottawa vous aide à mieux comprendre les différences et les similitudes entre le TDAH et le stress traumatique.
Note : L’information présentée dans cette ressource est fournie à des fins éducatives seulement. Elle ne remplace pas les directives d’un·e professionnel·le de la santé mentale.
Qu’est-ce que le TDAH ?
Le trouble déficitaire de l’attention/hyperactivité (TDAH) est un trouble neurodéveloppemental. Il débute à l’enfance avant l’âge de 12 ans et qui affecte environ 8,4% des enfants. Le TDAH se caractérise par des difficultés d’attention, d’hyperactivité et/ou d’impulsivité qui interfèrent avec le fonctionnement ou le développement de l’enfant dans plus d’un contexte (p. ex., à l’école et à la maison). De plus, les jeunes atteints d’un TDAH peuvent présenter un retard d’environ 30% dans leur fonctionnement exécutif. Les fonctions exécutives incluent des processus cognitifs permettant:
- La planification
- L’attention soutenue
- La régulation des émotions et du comportement
- La capacité de mémoire de travail
Bien qu’on ne connaisse pas bien les causes du TDAH, il semble avoir une forte composante génétique. De plus, si non traité, le TDAH est associé à des niveaux élevés de comportements à risque. En retour, ces comportements peuvent augmenter les chances d’exposition à un traumatisme.
Qu’est-ce que le traumatisme ?
Un traumatisme est un événement effrayant, violent ou dangereux qui constitue une menace pour l’intégrité physique ou affective d’une personne. Selon l’Enquête mondiale sur la santé mentale, environ 70% des personnes vivront au moins un événement traumatique au cours de leur vie.
Les effets d’un trauma peuvent faire suite à un événement traumatique aigu (p.ex., accident de voiture, crime violent, etc.). Néanmoins, il est important d’aussi reconnaître les effets du trauma dans un contexte relationnel et chronique. On appelle communément ce type de trauma le « trauma complexe » ou « trauma développemental ». Pour en connaître plus sur les effets spécifiques du trauma complexe, veuillez consulter l’article rédigé par Camille Guérin-Marion.
Relation entre le TDAH et le trauma développemental
Les traumas complexes ont des effets importants sur le développement du cerveau et du système nerveux de l’enfant. Il est nécessaire de comprendre ces impacts afin d’identifier la racine des comportements de l’individu et pour les distinguer des symptômes liés au TDAH. Dans l’article intitulé « Les impacts des traumas complexes durant l’enfance », Camille Guérin-Marion explique que le cerveau et le système nerveux du jeune s’adaptent à leur environnement chaotique, devenant suractifs et hypersensibles aux menaces perçues.
La figure ci-dessous illustre les différences et le chevauchement entre les symptômes du trauma et du TDAH.

Adapté de Siegfried et al. (2016)
Décortiquer les symptômes semblables entre le TDAH et le traumatisme
Le tableau suivant vient décortiquer les symptômes qui se chevauchent :
TDAH | Trauma | |
Difficulté de concentration | La norépinéphrine et la dopamine sont désactivées et l’enfant prête attention à trop de choses à la fois. La norépinéphrine est un neurotransmetteur et une hormone qui joue un rôle quant à la réponse physiologique de survie (p. ex., lutte ou fuite). L’un de ses rôles est d’accroître la vigilance et l’attention. Si les taux de norépinéphrine sont bas, il est plus difficile de se concentrer sur une tâche. La dopamine est un neurotransmetteur qui nous fait ressentir du plaisir. De plus, elle joue un rôle dans notre fonctionnement exécutif (p. ex., la capacité à porter attention, à penser, et à planifier). | Un enfant traumatisé qui fait face à une menace perçue est pris dans son « cerveau émotionnel » et n’a plus accès à son « cerveau rationnel ». Lorsque l’enfant se retrouve dans cet état, il est difficile de porter attention à toute chose autre que la menace perçue. |
Distraction | Étant donné que la norépinéphrine et la dopamine sont désactivées, l’enfant avec un TDAH est facilement distrait par des stimuli externes et internes. Ceci fait en sorte qu’il est plus difficile de se concentrer sur une tâche banale et mène l’enfant à être distrait par des stimuli perçus comme étant plus intéressants. | Un jeune traumatisé pourrait se retrouver dans une réponse physiologique de survie appelée la « dissociation », faisant en sorte qu’il paraît distrait. |
Ne semble pas écouter | Les difficultés avec les fonctions exécutives peuvent interférer avec la capacité d’écoute. Par exemple, il peut être difficile pour un enfant avec un TDAH de filtrer les informations pertinentes, ce qui rend difficile à suivre les directives. | Le jeune pourrait être en état dissociatif ou tenté d’éviter des rappels liés au traumatisme (c.-à-d., état de « fuite »). |
Désorganisation | La désorganisation chez l’enfant avec un TDAH peut être expliquée par les difficultés avec les fonctions exécutives. | Étant donné l’effet du trauma complexe sur le développement de l’enfant, la désorganisation peut être expliquée par des compétences cognitives sous-développées qui rendent difficiles la planification, la résolution de problèmes et l’organisation. |
Hyperactivité/agitation | Le corps de l’enfant avec un TDAH est incapable de ralentir et a besoin de mouvement constant pour être stimulé. | Le jeune qui a vécu un ou des trauma.s est sensible au danger et en état constant d’hypervigilance (c.-à-d., préparation à la réponse physiologique de survie, lutte ou fuite) |
Difficultés de sommeil | Il est difficile pour l’enfant avec un TDAH de calmer son cerveau. Cela peut être lié à d’autres symptômes liés au TDAH (p. ex., distraction). | Dû aux effets courants du traumatisme, tels que l’hypervigilance, cauchemars et/ou terreurs nocturnes. |
Quand demander une évaluation ?
S’il y a exposition à un·des événement·s traumatique·s, soit dans le milieu familial ou par l’occurrence d’un incident aigu (p.ex., accident de voiture, crime violent, etc.), il est important d’être attentif aux changements de comportements du jeune. Il est possible qu’à la suite de l’évènement traumatique, l’enfant présente de nouveaux comportements que l’enfant n’a jamais émis auparavant. Par exemple, vous pourriez voir chez un enfant qui a subi un traumatisme un large éventail de nouveaux comportements liés à des problèmes développementaux, incluant des problèmes de contrôle du stress et de la colère, des problèmes comportementaux, de l’anxiété et de la dépression, ainsi que des difficultés d’apprentissage.
Si un jeune a vécu un traumatisme et que vous soupçonnez également la présence d’un TDAH, il est fort probable que les symptômes (p. ex., difficulté à attendre son tour, agitation, désorganisation, difficulté à suivre les instructions) étaient présents au préalable. Dans les deux cas, il est important d’évaluer à quel point les difficultés de l’enfant interfèrent avec son fonctionnement quotidien à l’école et/ou à la maison.
Cet article est basé sur un webinaire présenté par Michela DiStefano pour le Centre de sensibilisation du TDAH Canada (lien : https://caddac.ca/fr/). Pour plus d’informations concernant le diagnostic et le traitement du TDAH et des traumatismes, veuillez consulter le webinaire suivant : https://caddac.ca/fr/programs-events/tdah-et-traumatisme/.