
Le perfectionnisme est en hausse dans plusieurs pays occidentaux comme le Canada et les États-Unis depuis bientôt 30 ans. Cette quête de performance est notamment perceptible chez les jeunes, plus particulièrement en milieux scolaires. Nos jeunes font face à des attentes grandissantes qui peuvent susciter ou exacerber des traits de personnalité déjà présents chez eux, tel que ledit perfectionnisme. En effet, plus de 38% des élèves du secondaire présenteraient des niveaux de perfectionnisme inquiétants. Dans cet article, Véronique Lecours, doctorante en psychologie, explique ce qu’est le perfectionnisme et ses conséquences. Elle présente également des stratégies pour prévenir et diminuer le perfectionnisme chez les enfants et adolescents.
Le perfectionnisme, c’est quoi exactement ?
Le perfectionnisme est caractérisé par le fait d’avoir de très hautes attentes de performance en plus d’être très critique quant aux résultats de ses performances. Les chercheurs ont décrit et étudié plusieurs dimensions du perfectionnisme à travers les années. Néanmoins, deux grands types ont été particulièrement popularisés : le perfectionnisme orienté vers soi et le perfectionnisme prescrit par les autres. Le perfectionnisme orienté vers soi se définit par l’importance, pour la personne elle-même, de viser la perfection et d’être parfait en tout temps. En contrepartie, le perfectionnisme prescrit par les autres se définit plutôt par des croyances que les autres (parents, professeurs, amis, etc.) ont des attentes élevées envers la personne.
Le perfectionnisme : un trait de personnalité plus nuisible qu’on le pense ?
Ces deux types de perfectionnisme sont associés à différentes conséquences. Tout d’abord, le perfectionnisme prescrit par les autres a plusieurs conséquences négatives, autant sur le plan scolaire que psychologique (rendement scolaire faible, procrastination, faible estime de soi, anxiété, dépression, etc.). Au contraire, le perfectionnisme orienté vers soi a certaines retombées positives, particulièrement un rendement scolaire élevé et une plus haute motivation à l’école. Par contre, certaines études montrent que le perfectionnisme orienté vers soi pourrait aussi générer des conséquences négatives sur le plan psychologique (c.-à-d. plus de symptômes anxieux et dépressifs et un sentiment d’épuisement). En bref, les deux types de perfectionnisme pourraient entraîner des conséquences négatives chez les enfants et les adolescents.
Dans le même ordre d’idée, présenter de hauts niveaux de perfectionnisme, et ce peu importe le type, serait un facteur de vulnérabilité qui pourrait engendrer une détresse importante chez les individus. Notamment, de hauts niveaux de perfectionnisme sont présents dans plusieurs troubles de santé mentale comme les troubles alimentaires, les troubles anxieux et les troubles dépressifs. De hauts niveaux de perfectionnisme pourraient également avoir un impact négatif sur l’efficacité des thérapies et des suivis psychologiques.
Prévenir et diminuer le perfectionnisme chez les enfants et adolescents : pistes d’intervention
Le perfectionnisme est, la plupart du temps, dépeint comme une disposition favorable, voire même souhaitée et valorisée dans nos sociétés. Pourtant, il est important de garder en tête qu’il peut parfois nuire à la performance scolaire et engendrer une détresse psychologique importante chez plusieurs élèves. Ainsi, voici quelques stratégies pouvant aider à prévenir et diminuer le perfectionnisme chez les enfants.
1. Soyez à l’affût de l’imitation !
Comme pour la plupart des comportements, les parents agissent à titre de modèle pour l’enfant, et ce, dès un très jeune âge. Les parents peuvent donc transmettre leurs comportements perfectionnistes à leur enfant, simplement par imitation. En effet, un enfant qui observe son parent n’être jamais satisfait de ses performances et être très critique envers lui-même peut reproduire et intérioriser ces comportements.
2. La pression, c’est non!
Certaines pratiques parentales peuvent mener à une hausse des comportements perfectionnistes chez les enfants. De telles pratiques parentales incluent de mettre de la pression pour qu’un enfant performe ou d’être très contrôlant. Certaines de ces pratiques parentales pourraient s’expliquer par le fait que les parents sentent eux aussi cette pression de performer qui est de plus en plus grande. Ainsi, les parents sont non seulement préoccupés par leur propre performance, mais aussi par celle de leur enfant. Ces parents pourraient ainsi se sentir obligés, à leur tour, de mettre de la pression à leur enfants afin qu’ils performent et réussissent ce qu’ils entreprennent.
On cherche plutôt à adopter un style parental qui prône un équilibre entre l’affection, la discipline et l’encadrement. Par exemple, on cherche à miser sur l’effort plutôt que les résultats dans un contexte de collaboration avec l’enfant.
3. L’acceptation conditionnelle : un piège à éviter
L’acceptation conditionnelle signifie de démontrer notre acceptation et notre amour pour quelqu’un seulement sous certaines conditions. Dans ce cas-ci, on pourrait penser à un parent qui donne davantage d’affection et d’attention positive à son enfant seulement quand il lui montre un examen très bien réussi ou son bulletin scolaire impressionnant. Cette pratique peut avoir des répercussions très négatives sur l’enfant. En effet, l’acceptation conditionnelle va amener les enfants à chercher l’approbation des autres en voulant atteindre des standards de plus en plus élevés.
Cet enfant peut donc avoir de la difficulté à gérer les échecs ou les performances moins satisfaisantes. En effet, il peut avoir peur de vivre du rejet de la part de personnes importantes pour lui, puisque l’amour et l’acceptation qu’il reçoit dépendent de leur réussite. Ainsi, l’acceptation conditionnelle peut être très dommageable, non seulement sur le plan du perfectionnisme que vit l’enfant, mais aussi pour son estime de soi.
On veut plutôt créer un environnement sécurisant qui montre à l’enfant que, peu importe sa performance, on continuera de l’aimer, de l’accepter et d’être fier de lui.
4. Attention aux choix des mots!
Certains mots ou formulations de phrases peuvent laisser croire à l’enfant que la performance et la réussite scolaire sont ce qu’il y a de plus important. Par exemple, des mots comme « tu aurais pu avoir une meilleure note », « pourtant la dernière fois tu avais eu 95% dans ton examen de mathématiques, qu’est-ce qui s’est passé cette fois-ci ? ». Ces exemples de choix de mots indiquent à l’enfant que le résultat est plus important que les efforts qu’ils fournissent.
De plus, en milieux scolaires, les enseignants peuvent parfois avoir recours aux « appels à la peur » face aux examens à venir. Certains enseignants utilisent ces appels à la peur pour susciter un certain niveau de stress afin de motiver les élèves à étudier et à bien performer. Or, vous l’aurez deviné, cette pratique n’est pas optimale et peut même être nuisible pour la performance, spécialement pour les élèves qui présentent déjà une anxiété quant à leurs performances scolaires!
On souhaite plutôt mettre de l’avant l’importance des efforts et du travail, de la maîtrise et de la compréhension des contenus étudiés plutôt que le résultat ou la note finale.