Comment élever des enfants antiracistes

Les parents ont un rôle important à jouer pour élever des enfants antiracistes.
Les parents ont un rôle important à jouer pour élever des enfants antiracistes.

Le racisme est un problème social grave qui touche les adultes comme les enfants. Certains parents peuvent se demander quand et comment discuter du racisme avec leurs jeunes. D’autres peuvent se demander s’il est même nécessaire de le faire. Cet article, rédigé par Joana Mukunzi, doctorante en psychologie clinique à l’Université d’Ottawa, explique l’importance d’aborder le sujet du racisme avec les enfants. Cet article propose aussi quelques astuces pour élever des enfants antiracistes.   

Est-ce que le racisme devrait être une préoccupation au Canada?

Comme ailleurs, le racisme existe au Canada et peut prendre de multiples formes. Il peut se manifester à plusieurs niveaux, comme dans les:

  • Les pensées, telles que les croyances, les biais ou les préjugés (racisme intrapersonnel)
  • Interactions entre individus (racisme interpersonnel)
  • Institutions, par exemple dans les écoles (racisme institutionnel)
  • Systèmes sociétaux, par exemple dans les politiques publiques (racisme systémique)

Pour certains, il peut être difficile d’accepter que le racisme ait lieu au Canada, puisqu’ils considèrent que c’est un pays accueillant, inclusif et qui valorise et célèbre le multiculturalisme. Toutefois, les milliers de tombes non identifiées d’enfants des peuples autochtones retrouvées sur les sites d’anciens pensionnats autochtones, la surreprésentation des jeunes des communautés noires dans les systèmes de protection de l’enfance et les systèmes judiciaires, l’augmentation du racisme anti-asiatiques depuis le début de la pandémie de COVID-19 ainsi que les multiples attaques islamophobes, dont l’attentat de la grande mosquée de Québec, ne sont que quelques exemples de ce problème persistant au Canada.

Est-ce important de discuter du racisme avec mon enfant?

Plusieurs parents peuvent se questionner quant à l’importance et la pertinence de discuter du racisme avec leurs enfants. Certains pensent que c’est un sujet trop complexe dont les jeunes ne se préoccupent pas. Toutefois, la recherche indique que les enfants prennent conscience de la race dès qu’ils sont tout petits.

Par exemple, des études menées à l’Université de Toronto ont découvert que les nourrissons commencent à montrer une préférence pour les individus de leur propre race entre l’âge de 6 et 12 mois. Selon leurs études, dès l’âge de 7 mois, les bébés associent la musique joyeuse aux visages d’individus de leur propre race et la musique triste au visage de ceux d’autre race. Vers 8 mois, ils préfèrent apprendre d’individus de la même race qu’eux.

Les chercheurs suggèrent que ces préférences sont dues au manque d’exposition des nourrissons aux personnes de différentes races. Ces préférences s’atténuent généralement lorsque les enfants commencent à côtoyer une plus grande diversité de personnes, par exemple à la garderie. Cependant, vers l’âge de 2 ans, les enfants commencent à observer et intérioriser les messages de leur environnement liés à la race. À l’âge de 4 ans, les enfants blancs sont plus susceptibles de choisir de jouer avec d’autres enfants blancs qu’avec des enfants de différentes races. De plus, à cet âge-là, les enfants racisés sont conscients et sensibles aux traitements discriminatoires. Ils remarquent aussi lorsqu’ils sont exclus ou victimes d’injustice.

Ainsi, il est faux de croire que les enfants « ne voient pas la race ». Ils peuvent aussi développer des préjugés, et ce, même sans que quelqu’un ne leur ait appris de manière explicite. Les enfants sont capables de raisonner à propos d’une variété de sujets. Lorsque les adultes ne leur donnent pas l’opportunité de discuter et de poser des questions, ceux-ci essaient de trouver leurs propres réponses pour donner un sens à leurs observations. Cela peut mener à de fausses conclusions qui peuvent être préjudiciables et qui seront plus difficiles à corriger avec le temps.

À quel âge est-il approprié de discuter du racisme avec mon enfant?  

De nombreux parents reconnaissent l’importance de discuter du racisme avec leurs enfants. Pourtant, certains ne savent pas quand ils devraient introduire le sujet par peur que leur enfant ne comprenne pas. Une étude menée aux États-Unis a montré que la majorité des adultes, indépendamment de leur race, estime que les enfants deviennent conscients de la race vers l’âge de 5 ans, soit quatre ans et demi plus tard que ce que la littérature suggère. L’étude a également trouvé que l’une des raisons principales pour laquelle les parents hésitent à discuter du racisme avec leurs enfants est qu’ils surestiment l’âge auquel ces derniers commencent à remarquer les différences raciales.

Éduquer les enfants à être antiraciste commence par la discussion.

Ainsi, il est important que les adultes reconnaissent la capacité des enfants à comprendre les notions liées à la race et que cet apprentissage débute tôt dans leur vie.

Une grande partie de l’apprentissage des enfants se fait par les parents. Aider les enfants à être inclusif, empathiques et avoir un sens de la justice en vue que ceux-ci deviennent des citoyens antiracistes devrait être un objectif pour tout parent. Être silencieux par rapport au racisme n’empêche pas les enfants de développer des bais raciaux et des préjugés, cela leur empêche uniquement de pouvoir en discuter avec vous. Le racisme n’est pas un enjeu du passé et la lutte contre l’inégalité et l’iniquité commence chez soi.

Astuces pour discuter du racisme avec les enfants

  1. Prenez le temps de vous éduquer sur le sujet. En vous instruisant sur les enjeux liés au racisme, vous serez mieux équipé pour en discuter avec vos enfants. Le racisme ne se limite pas qu’aux interactions observables. Il s’agit plutôt d’un système qui favorise le groupe majoritaire (les personnes blanches au Canada) au détriment des autres groupes. Il existe plusieurs ressources, comme des vidéos, pour mieux comprendre le sujet.
  2. Préparez et pratiquez ce que vous aimeriez dire. Plusieurs parents peuvent être stressés, intimidés ou mal à l’aise à l’idée de discuter du racisme avec les plus jeunes. Sachez que c’est normal. Il peut être utile de pratiquer ce que vous allez dire. Vous pouvez également utiliser des ressources comme des livres ou des vidéos éducatives pour enfant pour introduire le sujet.
  3. Adaptez la discussion selon l’âge. Les enfants remarquent la race dès qu’ils sont tout petit. Toutefois, il est important d’adapter la discussion sur le racisme selon l’âge de ces derniers. Le guide suivant créé par l’UNICEF peut vous servir de guide.
  4. Créez un espace sécuritaire et libre de jugement. Parlez ouvertement avec votre enfant et invitez les questions. Il est important de ne pas ridiculiser ou réprimander un enfant qui est en processus d’apprentissage. En effet, cela peut fermer la porte à la discussion. Il est primordial de bâtir la confiance de votre enfant sur le sujet du racisme. Ce faisant, on peut l’encourager à être antiraciste et à confronter cet enjeu.
  5. Préparez votre enfant à être une personne alliée. Être une personne alliée signifie d’utiliser son privilège pour supporter les personnes qui sont opprimées. Les enfants comprennent la notion de ce qui est « juste » et « injuste » lorsqu’ils sont des bambins. Ainsi, vous pouvez expliquer à votre enfant « qu’être une personne alliée veut dire aider nos ami.e.s et camarades de classe si les autres ne sont pas juste envers eux parce qu’ils sont différents ». Vous pouvez encourager votre enfant à offrir du réconfort à la personne discriminée, tenir tête à ceux qui ont été racistes et reconnaître quand il faut demander de l’aide à un adulte pour se protéger soit même et protéger son ami.e.
  6. Continuer la discussion et l’éducation sur le sujet. Le racisme n’est pas un problème qui se réglera en une discussion. Pour s’assurer que les choses progressent, il faut s’engager à lutter continuellement contre ce problème sociétal. Pour ce faire, il faut poursuivre votre éducation sur les enjeux raciaux, continuer de discuter de ces sujets avec vos enfants et continuer d’adopter des attitudes et comportements antiracistes.
À propos de l'autrice
À propos de l’autrice

Joana Mukunzi est étudiante au doctorat en psychologie clinique à l’Université d’Ottawa. Sa recherche s’intéresse aux facteurs de risque et de protection associés à la santé mentale et aux comportements de recherche d’aide chez les étudiants noirs de niveau postsecondaire au Canada. Elle travaille également sur d’autres projets centrés sur l’impact du racisme, dont l’évaluation des disparités raciales dans les services de protection de l’enfance canadiens.

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