
La Convention relative aux droits de l’enfant (CRDE) des Nations Unies accorde aux enfants le droit de s’exprimer sur les sujets qui les concernent directement. La voix des enfants est donc censée être écoutée pour les différentes décisions en lien avec leur parcours scolaire. Malheureusement, ce n’est pas toujours le cas. Dans cet article, le doctorant en éducation Louis-Philippe Lachance Demers et les professeures Laurie Bergeron et Marie-Pierre Fortier proposent des informations sur ce phénomène. De plus, il et elles proposent des stratégies pour favoriser la prise de parole des enfants dans le processus du plan d’intervention.
Les avantages d’écouter la voix des enfants
Les élèves passent la majeure partie de leur enfance et adolescence à l’école. Pourtant, il·elle·s ont peu d’opportunités de participer aux processus de prise de décisions dans l’école. Pourtant, la recherche indique que l’ensemble des acteur·rice·s du milieu scolaire bénéficie de la prise en compte de leur parole. Même en bas âge, les enfants ont la capacité de proposer des solutions pertinentes.
Par exemple, en leur donnant l’occasion de se prononcer sur les méthodes pédagogiques employées en classe, les enseignant·e·s engagent les élèves à se questionner sur le sens qu’il·elle·s accordent à leurs apprentissages. De plus, les enseignant·e·s pourraient ensuite ajuster leurs pratiques pédagogiques, participant ainsi à l’évolution de ces pratiques.
Prendre en compte la perspective des élèves permet aussi de mieux comprendre des phénomènes sociaux complexes comme la marginalisation et l’exclusion. Leur point de vue offre ainsi un nouveau regard sur leur expérience scolaire. Les acteurs du système scolaire gagnent donc à écouter les enfants.
Le processus d’élaboration du plan d’intervention
Au Québec, l’élaboration d’un plan d’intervention vise à développer une vision commune afin d’apporter le soutien nécessaire à l’élève dans le cadre du développement de ses compétences. Généralement, il est mis en place pour des élèves qui vivent des difficultés scolaires, mais il peut aussi être utilisé pour consigner des adaptations comme les aides technologiques. À la suite d’une évaluation des forces et des besoins de l’enfant, différents objectifs sont fixés ainsi que des moyens pour les réaliser. C’est donc un document qui permet une planification plus précise de la réponse aux besoins de l’enfant. Il peut être initié à la demande de l’école, de la famille ou d’un commun accord entre les deux.
Le plan d’intervention n’est pas un document statique. Il se construit et évolue au sein d’un processus dynamique tout au long de la scolarité de l’enfant. Ce processus comporte quatre étapes :
- Collecte d’information
- Planification des interventions
- Réalisation des interventions
- Révision du plan d’intervention
Au cœur de ce processus, le ministère de l’Éducation préconise la participation active de l’élève et de ses parents ou tuteur·trice·s. Le ministère préconise également la participation active de l’ensemble des acteur·trice·s scolaire avec qui l’élève interagit.

Figure 1. Le processus du plan d’intervention adapté de MEQ (2004)
Écouter la voix des enfants: un droit défendu… en théorie
Bien qu’on parle peu de ce phénomène dans le système scolaire québécois, le droit de parole des enfants devrait s’exercer dans le cadre du processus du plan d’intervention. Le plan d’intervention joue un rôle décisif dans le quotidien de l’enfant. Ainsi, la prise en compte de son point de vue est incontournable. On observe cependant que le milieu scolaire ne consulte pas de nombreux enfants. Cet état de fait est problématique puisque leur exclusion de ce processus va à l’encontre de la CRDE. En effet, ce document mentionne que l’enfant a le droit de s’exprimer sur toute question qui le concerne et que son opinion doit être prise en considération.
Comme parent, vous êtes le·la principal·e allié·e dans la défense des droits de votre enfant. Il vous est donc possible d’exiger d’avoir, votre enfant et vous, une voix lors de ce processus. Il peut cependant être difficile de faire valoir ces droits en raison des relations de pouvoir qui peuvent se tisser entre l’école et les familles.

Figure 2. La prise en compte de la voix des enfants sous forme de questions adapté de Fielding (2001)
Comment écouter la voix des enfants lors du développement du plan d’intervention
Pour vous outiller dans cette démarche, les questions proposées par le chercheur Michael Fielding peuvent contribuer à comprendre les enjeux liés à la prise de parole.
Les questions de Fielding nous offrent plusieurs pistes pour évaluer si la voix de l’enfant et de ses parents est réellement prise en compte dans le processus de plan d’intervention. Elles permettent de nommer ses attentes et de s’assurer que les participant·e·s sont sur la même longueur d’onde.
Qui a le droit de parler?
Cette question réfère non seulement à la présence lors de la réunion, mais aussi aux différents tours de parole. Est-ce que l’enfant et ses parents ont le même droit de parole ou sont-il·elle·s limité·e·s à un rôle de témoin?
Quel langage est permis?
Cette question réfère aux règles implicites de la discussion. Est-ce qu’on permet et accorde de l’importance à l’expression des enfants et des parents ou est-ce qu’on ne considère que le langage pédagogique ou scientifique? Est-ce que les professionnel·le·s expliquent les termes qu’il·elle· utilisent afin de favoriser une compréhension commune?
À propos de quoi peut-on parler?
Cette question réfère aux sujets qui peuvent être abordés lors de la rencontre. Est-il permis de remettre en question les pratiques pédagogiques, les méthodes d’intervention du personnel éducatif, les services reçus par l’enfant ou les ressources offertes ?
À qui peut-on parler?
Cette question réfère aux destinataires de la voix de l’élève. Est-ce que l’enfant peut s’adresser directement à son enseignant·e ? aux professionnel·le·s? à la direction?
Prendre en compte la voix de l’enfant avant, pendant et après l’élaboration du plan d’intervention
Il est important de continuer d’écouter la voix de l’enfant après la rencontre d’élaboration du plan d’intervention. En effet, préalablement à celle-ci, l’élève et parents peuvent jouer un rôle important lors de la collecte d’informations. Après tout, l’élève et ses parents sont les premiers experts sur l’histoire scolaire de l’élève. Il·elle·s peuvent ainsi bien informer le personnel scolaire des besoins de l’élève.
Les moyens proposés lors de l’élaboration du plan d’intervention doivent être mis en application au quotidien et évalués lors des rencontres de révision. Il est important que l’enfant puisse donner son avis sur l’efficacité et l’impact de ces moyens sur son expérience d’apprentissage. De même, lorsque ces moyens n’ont pas pu être mis en place, la raison devrait être nommée et discutée.
Il pourrait être pertinent de garder une liste des objectifs et des moyens présents au plan à la maison et d’en discuter périodiquement avec votre enfant. Par exemple, si votre enfant a droit à un ordinateur, vous pourriez lui demander s’il·elle l’emploie souvent en classe et s’il·elle a reçu du soutien pour l’utilisation. Vous pourriez ainsi discuter de ces informations lors de communications avec l’enseignant·e ou lors des rencontres de révision.
Faire respecter les droits de son enfant…plus facile à dire qu’à faire
Il est certain qu’écouter la voix des enfants demande une implication de temps supplémentaire. En particulier, cela peut demander une charge supplémentaire aux enseignant·e·s dont plusieurs trouvent déjà le processus de plan d’intervention laborieux. Nous pensons tout de même qu’il est bénéfique que l’enfant et ses parents puissent participer activement au processus tel que prescrit par la Loi sur l’instruction publique.
Considérant les répercussions du plan d’intervention sur l’orientation du parcours scolaire, il est essentiel que l’élève puisse avoir une voix. Ainsi, il·elle peut exprimer son ressenti et même son désaccord face aux objectifs et moyens. Nous espérons que cet article vous aura informé et fourni quelques connaissances pour vous appuyer dans votre démarche de respects des droits de votre enfant.