Favoriser la mentalisation chez les enfants grâce au jeu

Le jeu permet de favoriser la mentalisation chez les enfants.

On pense souvent au jeu comme une occasion de divertir les enfants. Or, on oublie parfois toutes les habiletés qu’il permet de développer! Dans cet article, Elke Hearson et Hélène Demers, étudiantes au doctorat en psychologie à l’Université du Québec à Montréal, expliquent en quoi le jeu facilite le développement de la capacité de mentalisation. Celle-ci est une compétence très importante pour le développement des relations sociales et pour la gestion des émotions.

Le jeu occupe une place très importante dans la vie d’un enfant. Mais saviez-vous qu’il ne sert pas seulement à divertir? En effet, en jouant, l’enfant développe plusieurs habiletés. Ces habiletés aident l’enfant à entrer plus facilement en contact avec les autres et à mieux gérer ses émotions. Notamment, le jeu permet à l’enfant de développer sa capacité de mentalisation.

Qu’est-ce que la capacité de mentalisation ?

La capacité de mentalisation fait référence à la capacité d’une personne à comprendre que :

Par exemple, la mentalisation aide un enfant à comprendre que même s’il·elle préfère les camions, un autre enfant préfère les animaux en peluche. La capacité de mentalisation de l’enfant lui permet d’être conscient que ce qui se passe dans sa tête (p.ex., ses émotions, ses pensées, ses besoins) lui appartient. L’enfant comprend aussi qu’il·elle ne peut pas tout savoir de ce qui se passe dans la tête des autres.

La capacité de mentalisation est importante pour mieux reconnaître et réguler nos émotions. En effet, la mentalisation permet de bien identifier quelles sont nos émotions, pourquoi on les ressent et comment on peut les gérer. Elle nous aide aussi à mieux comprendre nos comportements et ceux des autres. La mentalisation est donc un outil très utile pour faire face aux différentes interactions sociales (p. ex., ami·e·s, collègues). Les réactions des autres sont beaucoup plus prévisibles lorsqu’on comprend qu’il·elle·s ont leur propre façon de voir, ressentir et comprendre les choses!

La période 0-5 ans est très importante pour le développement de la capacité de mentalisation chez l’enfant. Durant cette période, la relation avec ses parents ou la personne répondant à ses besoins a un gros impact sur le développement de sa mentalisation. Considérant le jeune âge des enfants, leurs capacités langagières ne sont pas encore tout à fait développées. Le jeu parent-enfant représente donc un contexte idéal pour aider l’enfant à mentaliser!

L’importance du jeu pour la mentalisation

On pourrait croire que le jeu représente un simple divertissement pour les enfants, mais bien au contraire! D’abord, le jeu parent-enfant est une occasion d’avoir des interactions positives avec son enfant et de développer un bon lien. Ceci favorise le développement d’une bonne capacité de mentalisation. De plus, en jouant à « faire semblant », l’enfant s’invente un monde qui est différent de la « réalité ». Par exemple, dans son jeu, l’enfant peut transformer sa chaise en un autobus scolaire. Cet exercice lui fait prendre conscience que la réalité est subjective. Ainsi, il y a plusieurs réalités possibles selon différents points de vue.

Lorsque l’enfant doit expliquer son jeu aux personnes avec qui il·elle joue, il·elle comprend tranquillement que les autres ne peuvent pas deviner ce qu’il a dans sa tête. Il·elle comprend aussi qu’il y a plusieurs façons de voir et penser. Par exemple: « Si maman pensait que ma chaise était un avion et moi, un autobus, ce doit être parce que tout le monde ne voit pas la même chose de la même façon! »

Le jeu pour aider l’enfant à comprendre ce qu’il·elle vit

Jouer à faire semblant ou jouer avec des figurines permet aussi à l’enfant de mieux comprendre certaines situations qu’il.elle vit (p.ex., une chicane avec des amis). L’enfant peut aussi mieux comprendre les émotions que ça lui fait ressentir (p.ex., tristesse, colère). En jouant, les enfants mettent souvent en scène des situations auxquelles ils ont été confrontés. Cela leur permet de donner, à leur rythme, un sens à la situation et aux émotions que celle-ci suscite. Par exemple, un enfant s’est chicané avec un ami au cours de la journée. Une fois à la maison, l’enfant joue avec des figurines et met en scène une chicane similaire à celle vécue plus tôt.

Au-delà du plaisir de jouer, cette période de jeu permet à l’enfant de s’identifier aux personnages et de trouver des solutions. Cela lui permet également de partager aux autres comment il·elle se sent dans la situation. C’est parfois difficile de comprendre et de parler de comment on se sent. Or, c’est une composante importante de la mentalisation. Comprendre les grosses émotions à travers des personnages et en faisant semblant rend le tout beaucoup moins confrontant!

Stratégies pour aider l’enfant à développer sa capacité de mentalisation par le jeu

La capacité de mentalisation peut se développer et se pratiquer de plusieurs façons. Voici quelques stratégies que les parents peuvent mettre en place en jouant avec leurs enfants afin de favoriser cette compétence.

Raconter des histoires

Si votre enfant est encore trop jeune pour jouer à “faire semblant” ou jouer avec des figurines, raconter des histoires où vous mettez en scène différents personnages et différents états d’esprit (pensées, émotions, motivations, etc.) est une bonne stratégie. Cela peut aider votre enfant à comprendre que les autres ont leurs propres:

  • Émotions
  • Pensées
  • Besoins 
  • Intentions
  • Désirs
  • Motivation

Votre enfant aura aussi l’occasion de s’identifier aux personnages et à ce qu’il·elle·s ressentent.

Suivre votre enfant dans son jeu, suivre ses initiatives et lui poser des questions sur son jeu/scénario

Laisser votre enfant développer son propre scénario peut lui permettre de mettre en scène des événements dont il·elle a besoin de parler au travers du jeu. Cela contribue au développement de son autonomie, sa créativité et sa confiance en soi. En vous intéressant au jeu de votre enfant et en lui posant des questions sur ce qu’il·elle est en train de faire, votre enfant se sentira important·e et compris·e. Votre enfant pourra également prendre conscience qu’il est important d’expliquer aux autres ce à quoi il·elle pense.

Parler ouvertement de ses propres émotions et pensées, de celles des personnages du jeu et de l’enfant

Comme plusieurs autres habiletés, la mentalisation se développe par la pratique et l’observation. En parlant des émotions et des pensées des personnages pendant le jeu, de nos propres émotions et pensées et de celles de l’enfant, il·elle peut apprendre à parler de ses émotions et à prendre conscience de celles des autres.

À propos des autrices

Elke Hearson
Elke Hearson

Elke Hearson est étudiante au doctorat en psychologie profil recherche-intervention (Ph.D./Psy.D.) à l’Université du Québec à Montréal, sous la supervision de Dre Chantal Cyr et Dre Sonia Hélie. Elle s’implique présentement comme coordonnatrice de recherche au sein du Laboratoire d’études sur le développement de l’enfant et sa famille (LEDEF) et est aussi intervenante au programme Mère-enfant d’un centre de réadaptation en toxicomanie. Elle s’intéresse à la relation parent-enfant ainsi qu’à l’attachement. Plus particulièrement, sa thèse porte sur les facteurs qui favorisent l’efficacité des interventions auprès d’une population à risque de maltraitance et de négligence ainsi que sur la récurrence de maltraitance.

Hélène Demers
Hélène Demers

Hélène Demers est étudiante au doctorat en psychologie profil recherche-intervention (Ph.D./Psy.D.) à l’Université du Québec à Montréal, au sein du Laboratoire d’études sur le développement de l’enfant et sa famille (LEDEF). Elle est également coordonnatrice de recherche et intervenante relationnelle au programme Mère-enfant d’un centre de réadaptation en toxicomanie. Sa thèse de doctorat porte sur les profils de fonctionnement socioémotionnel d’enfants âgés de 6 à 12 ans placés en milieu de réadaptation. Elle examine également le rôle de la disponibilité psychologique des éducateurs, en tant que facteur de protection, dans l’association entre les représentations d’attachement des enfants et leur capacité à s’appuyer sur un éducateur.

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