La vulnérabilité aux expériences adverses durant l’enfance chez différents groupes

A little girl looks sad.
Les expériences adverses durant l’enfance sont répandues dans la population générale.

Les différentes expériences que les enfants et jeunes vivent avant l’âge de 18 ans ont une influence considérable sur leur adaptation à long terme. Un type d’expérience qui est fréquemment étudié est les expériences adverses durant l’enfance. Ces expériences sont associées à des conséquences néfastes tout au long de la vie, et ce, autant pour la santé physique que mentale. Il est donc important de savoir si certains groupes sont plus à risque de vivre ces expériences. Cet article, rédigé par Haneen Salama, Maya MacIsaac-Jones et Audrey-Ann Deneault, de l’Université de Calgary, décrit une étude récente qui a examiné le nombre d’expériences adverses durant l’enfance vécues par différents groupes sociodémographiques.

Que sont les expériences adverses durant l’enfance?

Les expériences adverses durant l’enfance (qu’on appelle les « adverse childhood experiences » ou ACEs en anglais) sont des types d’expériences traumatiques que les individus vivent pendant leur enfance ou leur adolescence, soit avant l’âge de 18 ans.

Les chercheur·se·s et les psychologues considérent généralement trois grandes catégories d’expériences adverses :

  • L’abus, qui inclut la violence physique, sexuelle et psychologique;
  • La négligence, qui inclut autant la négligence physique qu’émotionnelle;
  • Le dysfonctionnement familial, qui inclut notamment la séparation ou divorce des parents, l’incarcération d’une figure parentale et la violence entre les figures parentales.

Pourquoi est-il important de mieux comprendre les expériences adverses durant l’enfance?

Les recherches ont montré que, malheureusement, les individus qui vivent des expériences adverses à l’enfance sont plus susceptibles d’avoir des difficultés de santé physique et psychologique tout au long de leur vie. Ces difficultés incluent notamment l’abus de substances, la dépression et l’anxiété, un risque augmenté de maladies cardiovasculaires et de cancer.

Nous savons également que le nombre d’expériences adverses à l’enfance est important. Plus le nombre d’expériences adverses vécues est élevé, plus le risque d’avoir des difficultés augmente.

Ainsi, il est donc important de comprendre qui est plus à risque de vivre ces expériences adverses durant l’enfance, et de savoir qui en vit davantage. Ce faisant, nous pouvons identifier les groupes les plus à risques pour mieux prévenir ces expériences, et mieux intervenir lorsqu’elles arrivent.

Notre groupe de recherche a donc mené un projet de recherche pour identifier le nombre d’expériences adverses vécues par la population générale (soit la prévalence), et les groupes qui sont les plus à risque de les vivre. Nous avons fait une revue systématique pour identifier les études ayant rapporté la prévalence d’expériences adverses durant l’enfance vécue par les participant·e·s. Puis, nous avons fait une méta-analyse, qui est une méthode statistique pour synthétiser les résultats de toutes ces études.

Les résultats de notre étude

Notre méta-analyse a synthétisé les résultats de 206 études publiées entre 1998 et 2021. Ces études comprenaient plus de 545 000 adultes provenant de 22 pays différents à travers le monde. La vaste majorité des participant·e·s (soit 93 %) étaient cependant originaires de l’Amérique du Nord ou de l’Europe.

La majorité des individus vivent des expériences adverses durant l’enfance

Les résultats de la méta-analyse ont démontré une statistique inquiétante. En effet, 60% des individus auraient vécu au moins 1 expérience adverse avant l’âge de 18ans. Il s’agirait même de 16% des individus qui auraient vécu au moins 4 expériences adverses durant l’enfance. Le seuil de 4 expériences adverses est particulièrement important, parce que les conséquences néfastes deviennent encore plus graves pour les individus ayant vécu autant de celles-ci.

Les groupes ethniques et raciaux minoritisés sont davantage à risque de vivre des expériences adverses

Les résultats ont également démontré que plusieurs groupes minoritisés vivent plus d’expériences adverses durant l’enfance.

Comme le démontre le tableau ci-dessous, les personnes autochtones, hispaniques/latinx et noires vivent davantage d’expériences adverses durant l’enfance que les personnes asiatiques et blanches. Ces résultats sont fort préoccupants.

GroupePourcentage des individus ayant vécu 4+ expériences adverses à l’enfance
Asiatique5,6 %
Autochtone40,8 %
Blanc12,1 %
Hispanique/Latinx25,6 %
Noir21,5 %
Prévalence des expériences adverses à l’enfance chez différents groupes ethniques et raciaux.

D’autres groupes sont également à risque de vivre davantage d’expériences adverses durant l’enfance

Finalement, les résultats ont également démontré que d’autres groupes sont plus à risque d’avoir vécu des expériences adverses à l’enfance. Les groupes ayant plus de risque d’avoir vécu au moins 4 expériences incluent les personnes :

  • En situation d’itinérance (59,7 %);
  • Ayant des problèmes de dépendance (52,5 %);
  • Ayant des problèmes de santé mentale (47,5 %);
  • À faible revenu (40,5 %).

Ces pourcentages sont élevés comparativement au 16,1 % des individus ne faisant pas face à ces difficultés qui rapportent avoir vécu 4+ expériences adverses durant l’enfance.

En conclusion

Notre étude démontre que les expériences adverses durant l’enfance sont malheureusement répandues au sein de la population. De plus, plusieurs groupes sont malheureusement plus susceptibles de vivre ces expériences.

Ces résultats permettront d’informer les futurs programmes de prévention et d’intervention, conçus pour cibler les populations les plus vulnérables. Avec cette information, nous espérons contribuer à prévenir ces expériences et leurs conséquences négatives, réduisant ainsi la souffrance des personnes qui les vivent.

Pour plus d’information sur ces thèmes, nous vous invitons à consulter nos articles sur les traumas complexes.

À propos des autrices

Haneen Salama est termine présentement son baccalauréat spécialisé en psychologie à l’Université de Calgary. Elle complète également une certification intégrée en bien-être psychologique et en résilience. Haneen s’intéresse à la psychologie de l’enfant et à la psychopathologie. Dans le futur, elle veut poursuivre des études en psychologie clinique.

Maya MacIsaac-Jones termine présentement son baccalauréat spécialisé en psychologie à l’Université de Calgary. Elle est une ancienne membre de l’équipe nationale canadienne de ski de fond. Maya est passionnée par la recherche et la pratique en psychologie qui priorise la justice sociale. Dans le futur, Maya aspire à travailler en tant que psychologue avec des enfants et des jeunes qui ont vécu des traumatismes.

Dre Audrey-Ann Deneault est une chercheuse en psychologie se spécialisant dans l’étude des familles et des relations interpersonnelles en contexte. Elle détient un doctorat en psychologie expérimentale de l’Université d’Ottawa. Elle est présentement chercheuse postdoctorale à l’Université de Calgary. Ses recherches sont financées la Bourse Banting. Audrey-Ann est également la fondatrice d’ÉducoFamille.

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