Les besoins des mères monoparentales et les barrières à leur satisfaction

Dans le cadre d’une recherche menée dans la région d’Ottawa-Gatineau, nous avons consulté des mères monoparentales afin d’avoir une meilleure compréhension de leur expérience maternelle. L’étude repose sur les bases théoriques de l’approche féministe matricentrique, qui soutient que la maternité doit être comprise à travers les yeux des mères. Cet article, rédigé par Sophie Dozois et Geneviève Proulx de l’Université du Québec en Outaouais, présente leurs besoins en soutien psychologique, social et financier et soulève les obstacles principaux à la satisfaction de ces besoins.

Qu’est-ce qu’une mère monoparentale?

Il existe plusieurs variations dans les définitions de la monoparentalité. Notre équipe a choisi une définition qui est la plus représentative et inclusive possible: « Les mères monoparentales sont des femmes cheffes de famille monoparentale (ou en voie de le devenir) qui habitent avec un ou plusieurs enfants et qui assument seule ou en grande partie les responsabilités parentales » (Beauregard et Lafantaisie, 2020). Ces mères, bien que vivant dans des contextes différents, ont en commun de devoir prendre en charge seule ou en grande partie la réponse aux besoins de leur famille. Ainsi, elles sont considérées comme monoparentales peu importe qu’elles aient la garde complète ou partagée, qu’elles aient un conjoint ou pas, et qu’elles habitent ou non avec un nouveau partenaire et qu’elles aient choisi de devenir mères en solo ou avec un partenaire.

Notre étude

Notre étude s’intéresse aux expériences maternelles de mères monoparentales. Contrairement à la majorité des études précédentes sur la maternité, qui ont été écrites de la perspective des personnes maternées, cette recherche repose sur les fondements de l’approche féministe matricentrique, qui s’intéresse à la maternité du point de vue des mères.

Treize mères monoparentales de la région d’Ottawa-Gatineau ont participé à des entrevues individuelles semi-structurées. Pour participer aux entrevues, les mères devaient a) être une femme adulte, b) être mère monoparentale d’au moins un enfant et c) parler soit le français ou l’anglais. Les données recueillies pendant la collecte de données ont fait l’objet d’une analyse de contenu thématique. Cinq participantes provenant de l’échantillon initial ont aussi participé à un groupe d’analyse qui a permis de valider, corriger et préciser certaines informations obtenues lors des entrevues individuelles.

La moyenne d’âge des participantes est de 48 ans, avec une étendue entre 32 ans et 69 ans. Elles ont, en moyenne, 2.08 enfants (étendue: 1 à 4 enfants), dont l’aîné est âgé entre 3 et 48 ans. 62% d’entre elles ont la garde complète de leurs enfants, 31% ont une garde partagée, et, pour une participante, le conjoint a la garde complète. Alors qu’une d’entre elles s’est remariée, les douze autres se considèrent comme étant séparées, divorcées, ou célibataires. Finalement, deux mères sont soloparentales, ayant décidé d’avoir au moins un enfant seule.

Les besoins des mères monoparentales

Plusieurs mères monoparentales se retrouvent en situation de vulnérabilité accrue. Elles ont ainsi de nombreux besoins à combler. Dans notre étude, les besoins les plus importants étaient les besoins psychologiques, sociaux et financiers.

Les besoins psychologiques

L’aide psychologique est le besoin qui revient le plus souvent chez les mères monoparentales. Elles recherchent ce type de soutien lors de moments particulièrement difficiles comme la séparation du couple parental. Ce soutien peut aussi les aider à faire face à divers défis du quotidien, incluant :

  • La gestion des émotions face à la surchage ;
  • Les sentiments d’anxiété et de dépression ;
  • Les défis avec les enfants.

De nombreuses mères parlent de la grande fatigue qu’elles ressentent en lien avec le fait de porter la charge mentale pour tout ce qui a trait à leurs enfants (leur santé, leur bien-être, leur succès scolaire et social, leurs rendez-vous, leurs activités parascolaires, etc). Le poids de ces responsabilités, qu’elles disent sentir le devoir de porter, cause chez plusieurs d’entre elles des problèmes d’épuisement, d’anxiété et de dépression, voire des pensées suicidaires dans les cas les plus graves.

Les besoins sociaux

Certaines mères évoquent vivre de la solitude et se sentent laissées à elles-mêmes à la suite de la naissance des enfants. Elles ont besoin d’être entourées d’un réseau de personnes pouvant leur conférer un soutien social. Ce réseau peut être composé de membres de la famille, d’amis et de voisins. Ces ressources externes leur permettent de prendre une pause et d’avoir un moment de répit. De plus, elles peuvent ainsi bénéficier d’une présence bienveillante leur permettant d’échanger sur les défis du quotidien. Les organismes communautaires peuvent aussi combler ce besoin. Ils offrent aux mères monoparentales un endroit pour partager avec des ami·e·s, se changer les idées et avoir un moment pour soi.

Les besoins financiers

La grande majorité des mères ont indiqué qu’elles éprouvent des difficultés financières à subvenir aux besoins de leurs enfants. Les défis financiers les plus communément cités sont :

  • La difficulté à subvenir aux besoins de base de leur famille: logement, nourriture et vêtements ;
  • La difficulté à payer les services de garde : garderie à temps plein ou gardiennage ponctuel pour avoir du répit.

Effectivement, la conciliation travail-famille semble particulièrement complexe pour les mères monoparentales, et ce, peu importe leur niveau de revenu. Certaines mères ayant arrêté de travailler suite à la naissance des enfants indiquent à quel point il est difficile de réintégrer le marché du travail après une séparation. En effet, le travail à temps plein peut représenter un grand défi chez les mères monoparentales, surtout dans les cas où elles ont la garde complète des enfants et qu’elles doivent assumer seules toutes les tâches reliées à l’organisation de la vie familiale (épicerie, ménage, préparation des repas, rendez-vous médicaux et scolaires, etc.).

Les barrières à la satisfaction des besoins des mères monoparentales

Accessibilité des services

L’accessibilité des services est la plus grande barrière selon les femmes consultées. Elles déplorent les longues listes d’attente et les délais pour recevoir de l’aide psychologique et financière, une place en garderie, un traitement à l’hôpital, etc. Elles soulèvent que les listes d’attente pour les services de psychothérapie ou autres soutiens psychologiques se sont allongées pendant la pandémie alors que les besoins ont augmenté et sont devenus urgents. L’accessibilité physique aux services est aussi décrite comme étant difficile pour certaines d’entre elles. Par exemple, il peut être ardu de se déplacer pour aller à la banque alimentaire, étant donné que cela puisse impliquer de payer le stationnement ou le transport en commun.

Finances

Les mères monoparentales demandent des soutiens plus abordables, incluant des services de garderie et de psychothérapie. Effectivement, les services de soutien coûtent souvent très chers et pas toutes les mères ont de l’assurance pour les aider à débourser ces frais. De plus, l’accès à un logement abordable demeure un défi pour plusieurs mères monoparentales. Effectivement, certaines mères font mention des critères à combler pour obtenir un soutien financier au niveau du logement comme un maximum de revenu ou un niveau de détresse à atteindre.

Autres barrières aux services

Les participantes mentionnent se heurter à d’autres barrières dans leur recherche de soutien, par exemple la méconnaissance des services offerts et les horaires de centres communautaires et de services publics inadaptés à leur réalité.

Recommandations des mères monoparentales pour leurs consoeurs

Nous avons demandé aux mères participant à notre étude si elles avaient des recommandations pour les autres mères monoparentales. Voici ce qu’elles ont partagé avec nous.

  • Prenez soin de vous. Ce faisant, vous prenez aussi soin de vos enfants ;
  • N’ayez pas peur de demander de l’aide (à vos proches, à des services de soutien publics ou communautaires) ;
  • Rappelez-vous que les moments difficiles finissent par passer ;
  • N’oubliez pas que vous êtes forte et résiliente, et que vous vous en sortirez ;
  • Les enfants ont avant tout besoin d’amour et d’affection. Parfois il suffit d’un geste simple, d’une petite attention, pour leur faire plaisir.

Conclusion

Les femmes monoparentales maternent dans des contextes exigeants et font face à plusieurs barrières au quotidien. Malgré leur force, leur résilience, et leur capacité d’adaptation à ces contextes, elles sont nombreuses à avoir besoin d’appui psychologique, social et financier. L’accessibilité aux services de soutien ainsi que la charge financière demeurent les plus grands défis qu’elles rapportent. Il est donc important que toutes les personnes et les instances voulant soutenir ces femmes soient conscientes de leurs besoins et des barrières à leur satisfaction, et adaptent le plus possible le soutien offert.

Pour citer cet article: Dozois, S., Proulx, G., Pon, E., et Gosselin, J. (2023). Les besoins des mères monoparentales et les barrières à leur satisfaction. Éducofamille, (educofamille.com/besoins-meres-monoparentales).

À propos des autrices

Sophie Dozois détient un baccalauréat en psychologie de l’Université d’Ottawa. Ses intérêts de recherche en psychologie portent principalement sur les relations conjugales et familiales. Sophie travaille en tant qu’assistante de recherche au sein du laboratoire de psychologie de la santé cardiovasculaire de l’Université d’Ottawa et est bénévole dans l’équipe de recherche de l’Université du Québec en Outaouais (UQO) ayant travaillé sur le projet dont il est question dans cet article.

Geneviève Proulx est doctorante en psychologie clinique à l’Université du Québec en Outaouais (UQO). Elle possède un baccalauréat en psychologie et une maîtrise en développement international et mondialisation de l’Université d’Ottawa. Ses intérêts cliniques incluent le traitement psychothérapeutique auprès d’enfants, d’adolescents, d’adultes de tous âges et de couples. Ses travaux de recherche doctorale portent sur l’expérience maternelle et la résilience des femmes monoparentales.

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