
Malheureusement, vous avez correctement lu le titre. En effet, depuis quelques années, on entend de plus en plus parler de l’agression sexuelle, enjeu social endémique. Dans les rues manifestent les victimes pour la plupart, adultes ou adolescent.e.s. Toutefois, cette problématique touche également les plus jeunes. Effectivement, une fille sur cinq et un garçon sur dix sont victimes d’agression sexuelle avant l’âge de 18 ans. Dans cet article, Valéry Dubé, doctorante en psychologie clinique, et Martine Hébert, professeure en sexologie, parlent du sujet difficile qu’est l’agression sexuelle chez les tout-petits.
Lorsqu’on parle d’agression sexuelle, on réfère à un viol ou encore des attouchements non désirés. Par contre, il est important de savoir que même si l’enfant n’est pas directement impliqué et qu’il est plutôt victime de voyeurisme, soit exposé à de la pornographie ou à des rapports sexuels entre adultes, cela peut être également dommageable. En ce qui concerne les tout-petits, une étude québécoise publiée en 2009 révèle que près de la moitié (45,5%) des victimes d’attouchements est d’âge scolaire, alors qu’environ 1 victime sur 7 (16,3%) a moins de 6 ans.
Conséquences survenant à la suite d’une agression sexuelle vécue en enfance
Plusieurs enfants qui subissent une agression sexuelle vivront des répercussions importantes. À court terme, ces enfants sont notamment plus à risque de souffrir d’anxiété et de stress post-traumatique, en plus d’avoir des difficultés scolaires. À long terme, ces enfants sont notamment plus à risque de consommation abusive de substances et problèmes de santé physique. Par ailleurs, il.elle.s vivront également des conséquences au niveau individuel, comme de souffrir de dépression et d’avoir moins de satisfaction de vie. Au niveau interpersonnel, ces enfants sont plus à risque de subir de l’intimidation et de la violence dans leurs relations amoureuses.
En plus de ces nombreuses conséquences, il existe des défis supplémentaires lorsque les tout-petits sont victimes d’agression sexuelle.
Problèmes spécifiques aux tout-petits
À l’âge préscolaire (0-5 ans) et scolaire (6-12 ans), plusieurs enfants n’ont pas reçu d’éducation à la sexualité. Il.elle.s n’ont donc pas la maturité nécessaire pour saisir ce qui leur arrive. Et parfois, d’autres obstacles viennent interférer avec la possibilité de dévoiler l’agression.
En effet, les enfants ne connaissent parfois pas les mots pour communiquer ce qui leur arrive et n’ont pas les capacités cognitives pour le faire. En plus de ces obstacles développementaux s’ajoutent des obstacles en lien avec le cercle social de l’enfant. À un très jeune âge, l’ensemble du cercle de soutien de l’enfant se résume à ses parents ou ses donneurs de soin. Ainsi, si l’agresseur.se de l’enfant est un.e membre de la famille, l’enfant n’a peut-être pas l’occasion de se confier à un.e adulte capable de l’aider. En effet, l’enfant pourrait hésiter à se confier à ses parents ou à ses proches par peur des conséquences, par honte ou par peur qu’on ne le croit pas. Ces faits sont inquiétants lorsqu’on réalise que beaucoup de victimes ne dévoileront jamais l’agression sexuelle vécue (1 victime sur 5), et que plusieurs ne le feront que plusieurs années plus tard (1 victime sur 2). Alors, dans ces conditions, comment est-ce possible de prévenir les conséquences de l’agression sexuelle chez les enfants?
Régler le problème à la source: limiter les risques que les enfants soient victimes d’agression sexuelle
L’une des solutions, c’est de miser sur la prévention des violences sexuelles. Les cours d’éducation à la sexualité présentement disponibles dans les milieux scolaires sont distribués dans les écoles primaires et secondaires. Cependant, ce n’est pas suffisant. Comme mentionné au début de cet article, à cet âge, plusieurs enfants auront malheureusement déjà subi des violences sexuelles.
Depuis 2019, la Fondation Marie-Vincent et sa Chaire de recherche travaillent sur le déploiement et l’évaluation du Programme Lanterne. Ce programme mise sur l’aide des intervenant.e.s, enseignant.e.s, éducateur.trice.s et parents pour mettre en place et enseigner des stratégies aux enfants. Par exemple, ce programme fait la promotion des relations égalitaires entre les garçons et les filles, répond à leurs questions et fait une éducation précoce à la sexualité. Pour ce faire, le programme enseigne quelles sont leurs parties intimes, comment réagir lorsqu’un individu cherche à les inciter à avoir des activités sexuelles, à qui se confier, etc. L’un des volets vise à aider ces personnes ressources à reconnaître les signes d’une agression sexuelle et à intervenir adéquatement.
La sexualité est un sujet tabou. Il est donc compréhensible que bien des parents ressentent de l’appréhension à l’approche des premières questions à ce sujet. Toutefois, il est important de ne pas décourager les enfants de poser leurs questions à ce sujet. On souhaite que nos enfants se sentent à l’aise de faire un dévoilement en cas d’agression sexuelle. Vous pourriez également vous assurer que votre enfant soit en mesure d’identifier au moins 2 à 3 autres adultes de confiance vers qui se tourner en cas de besoin.
Comment puis-je aider mon enfant victime d’agression sexuelle?
Pour réduire les conséquences causées par l’agression sexuelle, il existe des interventions spécifiques. Une thérapie ayant déjà prouvé son efficacité à cet effet est la thérapie cognitive comportementale centrée sur le trauma (TF-CBT). Ces thérapies sont notamment accessibles aux enfants victimes d’agression sexuelle à divers centres spécialisés comme la Fondation Marie-Vincent située à Montréal. Le Centre d’intervention en abus sexuels pour la famille (CIASF) situé en Outaouais offre quant à lui des séances de thérapie de groupe. Par ailleurs, partout au Canada il existe différents centres d’appui aux enfants et à la jeunesse qui ont comme objectif de venir en aide aux enfants et les jeunes qui sont victimes ou témoins d’actes criminels au Canada.
Par ailleurs, des thérapies comme la TF-CBT ne sont pas toujours accessibles pour tous. Le manque d’intervenant.e.s pour aider tous les enfants est criant. Par conséquent, les listes d’attente pour recevoir de l’aide peuvent malheureusement être longues. Or, plusieurs familles ne peuvent recourir à des thérapies offertes en milieu privé. D’où l’importance de miser sur des interventions préventives comme le Programme Lanterne ou encore d’autres initiatives de sensibilisation pour tous les acteurs de l’entourage de l’enfant.