
Imaginez que vous êtes de retour à l’an 2000. Votre enfant fait quelque chose qui est adorable ou embarrassant. Vous voulez le partager à quelqu’un, que faites-vous? Vous appelez peut-être quelques proches ou vous leur en parlez à votre prochaine rencontre. Maintenant, imaginez la même situation en 2021. Vous mettez l’anecdote sur les réseaux sociaux. L’anecdote devient virale, maintenant des milliers de personnes connaissent des détails personnels sur la vie de votre enfant. Avez-vous fait du surpartage parental? Est-ce nocif pour les enfants? Nous répondons à ces questions dans cet article.
Qu’est-ce que le surpartage parental?
Le surpartage parental se définit comme le partage fréquent et en grand nombre de photos, de vidéos ou d’anecdotes de ses enfants sur les réseaux sociaux. Il ne s’agit pas du partage occasionnel de contenu sur les enfants, mais bien d’un partage trop fréquent. Certains parents utilisent leur compte personnel pour faire du surpartage parental, tandis que d’autres ont créé un compte dédié à leurs enfants (même s’ils sont encore bébés!).
Un sondage récent auprès de parents aux États-Unis montre que 82 % des parents partagent des photos, vidéos ou anecdotes de leurs enfants sur les réseaux sociaux. Les mères (89 %) sont plus susceptibles de partager du contenu sur leurs enfants que les pères (71 %).
En moyenne, les parents partagent 300 photos de leur enfant par année sur les réseaux sociaux. La plupart des enfants ont donc 1500 photos d’eux en ligne à leur 5e anniversaire de naissance.
Ils ont donc une identité en ligne développée et façonnée par une autre personne, et ce, avant même que les enfants n’aient même développé leur propre identité.
Les bénéfices de partager du contenu sur les enfants sur les réseaux sociaux
Beaucoup de parents considèrent que le partage de contenu sur leurs enfants leur est bénéfique. Par exemple, les parents partagent pour échanger des conseils et recevoir l’avis d’autres parents sur certains défis reliés au rôle de parent. Certains parents disent aussi recevoir du soutien émotionnel et instrumental du partage qu’ils font.
D’autres parents partagent du contenu pour des raisons plus personnelles. Par exemple, ils aiment partager du contenu à leurs amis et familles pour rester en contact, ou encore pour développer une collection de souvenirs.
La recherche montre également que le partage de contenu de la part des pères peut favoriser la participation des pères aux tâches parentales. En effet, les pères voient d’autres pères qui s’impliquent auprès de leur enfant. Ceci peut entraîner positif : les pères deviennent inspirés à eux-mêmes s’impliquer davantage.
Cependant, il y a également plusieurs dangers à partager du contenu sur les enfants. Ces dangers peuvent guetter autant les gens qui partagent du contenu occasionnellement que ceux qui le font fréquemment.
Les dangers du partage de contenu sur les enfants sur les réseaux sociaux
Le partage de contenu peut être nocif pour les enfants s’il est fait pour de mauvaises raisons. Par exemple, certains parents partagent du contenu sur leurs enfants pour montrer aux autres qu’ils sont de bons parents. Il s’agit là d’une vision dangereuse du rôle de parents. Les parents ne devraient pas chercher de la validation externe quant à leurs capacités parentales. Les parents devraient plutôt chercher à faire de leur mieux pour élever leurs enfants, sans essayer d’impressionner les autres parents.
D’autres parents partagent du contenu afin de montrer qu’ils sont fiers de leurs enfants. Même si le partage se veut en soi positif, ce type de partage peut devenir nocif pour les enfants. En vieillissant, les enfants sont capables de voir le partage à leur sujet. Il est possible que les enfants en viennent à penser que leurs parents sont uniquement fiers d’eux lorsque les parents font un partage de contenu sur les réseaux sociaux. Un tel phénomène peut ainsi causer des problèmes d’estime de soi et de motivation chez l’enfant.
Quand le partage de contenu devient du surpartage
Un danger particulier du parentage parental tient à la nature du contenu partagé. Certains parents utilisent les réseaux sociaux pour faire la discipline à leurs enfants ou pour montrer des moments humiliants de la vie de leurs enfants.
Par exemple, une mère a forcé sa fille de 13 ans à enregistrer un vidéo d’excuse pour avoir menti. La jeune fille pleure tout au long du vidéo. La mère a mis ce vidéo sur les réseaux sociaux, et celui-ci a maintenant été visionné plus de 10 millions de fois. Un autre exemple est celui d’un père qui a lu sur YouTube un message privé de sa fille qui se plaignait de sa famille. Le vidéo a été visionné plus de 40 millions de fois.
Il est important de réaliser que de telles pratiques parentales sont humiliantes pour l’enfant, qui doit vivre avec les conséquences du surpartage parental. Les enfants peuvent faire rire d’eux ou même se faire intimider en réponse à un tel surpartage.
De plus, la représentation des enfants à travers du surpartage impose une certaine identité à l’enfant. L’enfant peut ne pas s’identifier à cette identité, mais ne pas être en mesure de s’en départir.
De façon générale, les enfants, une fois adolescents, n’approuvent pas le surpartage parental. Les adolescents ont une opinion très claire quant à la façon dont ils désirent se présenter en ligne. Ils considèrent donc que le surpartage parental vient en atteinte à leur confidentialité en ligne et à leur vie privée.
Conseils pour les parents qui partagent du contenu sur leurs enfants
Alors, est-ce que les parents devraient partager du contenu sur leurs enfants ou non? La professeure en droit Stacey Steinberg offre quelques considérations aux parents à cet effet.
- Considérez l’impact du partage sur le bien-être de votre enfant à court et à long terme. Dans 5 ou 10 ans, est-ce que votre enfant vous en voudra d’avoir partagé ce contenu? Si la réponse est oui ou peut-être, évitez de partager ce contenu. Il est important de s’assurer de ne pas nuire au bien-être et à l’estime de soi des enfants à cause du partage de contenu.
- Demandez à vos enfants de 4 ans et plus la permission avant de partager du contenu portant sur eux. À cet âge, les enfants commencent à avoir une représentation de soi et peuvent avoir une opinion sur le partage du contenu. Demandez à votre enfant s’il est d’accord que votre famille et vos amis voient le contenu (pour du contenu plus privé). Si le contenu est public, demandez à votre enfant s’il est d’accord que n’importe qui puisse voir le contenu. Familiarisez-vous avec les politiques de confidentialité des réseaux sociaux sur lesquels vous partagez du contenu. Par exemple, vous pouvez choisir d’uniquement partager le contenu avec vos amis ou ceux qui vous suivent afin de restreindre les gens qui peuvent voir le contenu portant sur vos enfants.
- Créez une alerte Google pour savoir quand de nouveaux résultats s’affichent au nom de votre enfant. Ceci peut notamment éviter le vol d’identité de votre enfant ou l’utilisation de votre contenu à des fins malveillantes. Si un site web partage de l’information sur votre enfant, vous êtes en mesure de le savoir plus rapidement et d’agir.
- Considérez publier du contenu de façon anonyme. Si vous aimeriez recevoir des conseils sur une situation humiliante pour votre enfant ou partager vos difficultés avec votre enfant, vous pourriez le faire de façon anonyme sur un forum ou Reddit. Ainsi, vous pouvez recevoir le soutien dont vous avez besoin, tout en vous assurant de respecter l’anonymat de votre enfant.
- Désactivez la fonction de localisation sur vos photos et vidéos partagées et sur vos « posts ». En effet, il peut être dangereux pour la sécurité de votre enfant que beaucoup de gens aient accès à des informations quant à la localisation et à la routine de votre enfant.
- Ne pas partager des photos ou des vidéos qui montrent les enfants sans vêtements ou en petite tenue (par exemple : en maillot de bain). Un tel contenu est à risque d’être utilisé pour des raisons malveillantes.