
Cet article s’inscrit dans une série spéciale présentant des études innovatrices cherchant à mieux comprendre le développement de l’enfant. Ces études ont été présentées de façon préliminaire à la conférence du Congrès international pour l’étude des enfants (International Congress of Infant Studies) qui a eu lieu de façon virtuelle en juillet 2020.
Dans le deuxième article de cette série, nous vous présentons une étude portant sur l’interférence de la technologie dans les interactions entre les mères et leur enfant (Porter et collègues, 2020). Ce sujet se veut d’actualité avec la prolifération constante de la technologie dans nos vies.
La technoférence, ou l’interférence de la technologie
Partout à travers le monde, l’utilisation de la technologie est à la hausse. Au Canada, 88,1 % des personnes âgées de 15 ans et plus on un téléphone intelligent. De plus, 45,4 % des Canadiens vérifient leur téléphone au moins toutes les 30 minutes afin de voir s’ils ont reçu un nouveau message texte, un nouveau courriel ou simplement pour voir les nouvelles publications sur les réseaux sociaux.
La vérification du téléphone est considérée comme étant une interférence ou une interruption dans notre vie causée par la technologie. Cette interférence, si elle a lieu lors d’interactions sociales, est appelée « technoférence ». La technoférence, autant dans les relations de couple, d’amitié ou les relations enfant-parent, est nocive pour la communication et le sentiment de proximité entre les personnes en relation.
Dans les relations enfant-parent, l’impact de la technoférence se fait d’autant plus ressentir. En effet, les parents qui utilisent leur téléphone lors d’interactions avec leur enfant sont moins sensibles et répondent de façon plus rigide aux demandes de leur enfant. De façon générale, plus il y a de la technoférence dans la relation enfant-parent, moins les parents sont chaleureux et encourageants. Cependant, il y a encore bien peu de recherche sur le sujet, surtout aurprès de jeunes enfants.
L’étude de Porter et collègues (2020)
Cette étude visait à observer comment les enfants réagissent lors d’un moment de technoférence. L’échantillon incluait 227 bébés âgés de 5 à 14 mois et leur mère. La tâche d’observation durait 6 minutes, pendant lesquelles l’enfant était assis dans sa chaise haute et la mère était assise en face de l’enfant. Pendant 2 minutes, la mère devait interagir de façon normale avec l’enfant. Ensuite, la mère devait utiliser son téléphone cellulaire pendant 2 minutes comme elle le fait habituellement, mais sans parler à l’enfant. Durant les 2 dernières minutes, la mère cessait d’utiliser son téléphone et recommençait à interagir avec son enfant. Cette procédure, bien que clairement définie, reflète bien une interaction quotidienne où une mère prend une pause de jouer avec son enfant pour répondre à un courriel, par exemple.
Comme anticipé, lors de la période de technoférence, les enfants démontrent moins d’émotions positives et davantage d’émotions négatives que lors des périodes d’interaction avec leur mère. Ainsi, les enfants remarquent l’interférence causée par la technologie, et y réagissent négativement.
Bien que plus d’études soient nécessaires afin de comprendre comment la technoférence altère la qualité des relations enfant-parent, cette étude souligne l’impact négatif de l’utilisation de technologie lors d’interactions avec un enfant. Même s’il peut être difficile de ne pas consulter son téléphone de façon régulière, les parents devraient essayer de limiter leur utilisation de technologie en présence de leur enfant. Pour ce faire, certains parents pourraient trouver utile de laisser leur téléphone dans une autre pièce, ou encore de fermer les notifications non urgentes (p. ex. réseaux sociaux) afin de ne pas ressentir le besoin de consulter la notification.
Sources
Beamish, N., Fisher, J., & Rowe, H. (2019). Parents’ use of mobile computing devices, caregiving and the social and emotional development of children: a systematic review of the evidence. Australasian Psychiatry, 27(2), 132-143. https://doi.org/10.1177/1039856218789764
Porter, C. L., Stockdale, L. A., Coyne, S. M., Essig, L. W., Booth, M., … & Schvaneveldt, E. (2020, juillet). Infant Behaviors During a Mobile Phone Modified Still-Face Paradigm and Their Relations to Parental Technoference and Beliefs Regarding Technoference. Affiche présentée à la conférence de l’International Congress of Infant Studies, Conférence virtuelle.
Statistique Canada (2020). Tableau 22-10-0115-01 Utilisation de téléphones intelligents et habitudes liées à leur utilisation, selon le groupe d’âge et le genre. https://www150.statcan.gc.ca/t1/tbl1/fr/tv.action?pid=2210011501&request_locale=fr
Stockdale, L. A., Porter, C. L., Coyne, S. M., Essig, L. E., Booth, M., Keenan‐Kroff, S., & Schvaneveldt, E. Infants’ response to a mobile phone modified still‐face paradigm: Links to maternal behaviors and beliefs regarding technoference. Infancy. https://doi.org/10.1111/infa.12342