L’expérience de la douleur chez les enfants doués

La douleur chez les enfants doués est une expérience intense.

La douleur est une expérience physique et émotionnelle désagréable que tous les enfants connaîtront au cours de leur vie. Chez les enfants doués, cette expérience est souvent vécue de façon très intense. Elle peut entraîner des comportements et des réactions difficiles à comprendre pour leurs parents, leurs enseignants, et leur entourage. Une meilleure compréhension de l’expérience de la douleur chez les enfants doués favorisera une meilleure réponse à leurs besoins ainsi qu’un accompagnement plus sécurisant.

Vous vous préparez à passer une journée de vacances en famille aux glissades d’eau. Votre plus jeune tombe dans le stationnement et s’érafle le genou. Pour la plupart des enfants, cet incident sera chose du passé en quelques minutes. Cependant, votre petit doué pourrait mettre des heures à s’en remettre et désorganiser votre journée d’activités. Certains enfants réagissent peu à la douleur, alors que d’autres vont pleurer un long moment pour une petite écharde. L’expérience de la douleur et la façon dont nous la communiquons sont différentes pour chaque personne. En fait, cela dépend d’une multitude de facteurs. Chez les enfants doués, la réaction à la douleur est souvent très longue et intense. Cette réaction, qui peut paraître démesurée aux yeux de certains, peut s’expliquer par le fait que les enfants doués traitent les informations différemment des autres enfants.

La douleur, c’est quoi?

Si on vous demande d’expliquer en quoi consiste la douleur, les réponses risquent d’être fort différentes d’une personne à l’autre. Certains diront que c’est le fait d’avoir mal à une partie du corps. D’autres vont davantage parler d’émotions douloureuses. Ces réponses sont toutes bonnes, puisque la douleur est une expérience à la fois physique et émotionnelle, unique à chaque personne. En d’autres termes, c’est une combinaison de l’inconfort physique que l’on ressent et des émotions négatives que cela nous fait vivre (frustration, colère, tristesse, etc.). Par exemple, si vous posez votre main sur une poêle brûlante, la douleur intense vous fera aussitôt retirer votre main, et vous vous sentirez probablement frustré(e) d’avoir commis cette bête erreur.

Les adultes sont en mesure de bien communiquer leur douleur (emplacement, intensité, nature) et d’utiliser des stratégies pour gérer autant la douleur physique qu’émotionnelle. L’expression de la douleur chez les enfants, quant à eux, va varier selon leur âge, leur tempérament et le contexte. Par exemple, un enfant pourrait cacher qu’il a de la douleur par peur d’aller chez le médecin, ou pour ne pas arrêter de jouer. Selon une étude réalisée en Espagne, jusqu’à 11 ans, les enfants ne réfèrent généralement pas aux aspects psychologiques et émotionnels de la douleur. Ils vont plutôt parler des causes externes et des blessures sur leur corps (je suis tombé(e) et j’ai un bleu sur la jambe). Ils seront en mesure de verbaliser leur expérience émotionnelle vers l’âge de 12 ans. 

Quelques mots sur la douance

Actuellement, il existe plusieurs définitions, modèles et conceptions différentes de la douance. Il n’y a donc pas de portrait type de l’enfant doué. Sommes toutes, on s’entend pour dire que ces enfants ont une capacité à apprendre exceptionnellement vite. Ils ont une mémoire efficace, un sens de l’observation très développé, une grande capacité de concentration et de résolution de problème ainsi qu’une immense curiosité. Ces caractéristiques font référence au développement intellectuel particulièrement précoce de ces enfants. Leur développement moteur et émotionnel peut toutefois se situer dans la norme. Cela crée une dyssynchronie, ou un décalage entre leurs sphères de développement.

Certains enfants doués présentent aussi des hypersensibilités sensorielles, comme la sensibilité à la lumière, au bruit, aux textures, à la douleur. Ils réagissent parfois fortement à ces inconforts selon leur tempérament. Ils peuvent aussi être sensible à l’injustice et avoir un besoin viscéral de comprendre le monde qui les entoure. Pour en apprendre plus sur la douance, vous pouvez consulter les sites web de l’Association québécoise pour la douance et de Haut potentiel Québec.

La douleur chez les enfants doués

À ce stade-ci, vous commencez probablement à comprendre pourquoi l’expérience de la douleur peut être vécue de façon très intense chez un enfant doué, surtout s’il présente des hypersensibilités. En fait, lorsque la douleur survient, ces enfants auront tendance à se référer à leur sphère la plus développée pour faire face à cette vague de sensations et d’émotions désagréables. Ils se référeront donc à leur logique, n’étant pas en mesure de gérer les émotions engendrées par l’événement douloureux. Ainsi, l’enfant pourra avoir des pensées telles que:

  • « Pourquoi ça m’arrive à moi? »
  • « Ce n’est pas juste »
  • « Je voulais que cette journée soit parfaite »
  • « Qui a laissé traîner cet objet par terre et qui m’a fait tomber? »
  • « Ça ne devrait pas arriver à des enfants »
  • « J’ai tellement mal, ça doit être dangereux »
  • « ça pourrait s’infecter et je vais devoir aller à l’hôpital »
  • « est-ce que j’ai mon vaccin contre le tétanos? »
  • et ainsi de suite.

Un petit événement, pourtant anodin pour la majorité des enfants, fera boule de neige et deviendra insurmontable pour l’enfant doué. Leur sens logique ne fera qu’empirer la situation puisqu’il n’y a pas de réponse logique à un événement qui survient par hasard, comme tomber dans un stationnement et s’érafler le genou.

Comme mentionné plus haut, les enfants doués présentent souvent un décalage entre leur développement intellectuel (accumulation de connaissances, sens logique) et leur développement émotionnel. Ce décalage entre leur compréhension de la douleur et les émotions qu’elle génère, en plus de l’intensité avec laquelle ils ressentent la douleur et les émotions amène le cerveau à traiter une immense quantité d’informations en même temps. Le cerveau peut donc se retrouver surchargé et l’enfant ne saura plus comment revenir au calme.

Comment aider l’enfant qui est en douleur

En tant que parents, proches, ou intervenants, il peut être difficile de savoir comment réagir devant les manifestations de la douleur de l’enfant doué. Lorsqu’un enfant semble à l’agonie pour un petit bobo, on peut en venir à porter moins attention à ces événements et un jour, ignorer un problème sérieux. C’est un peu comme « l’enfant qui crie au loup ». À notre connaissance, la douleur chez les enfants doués n’a pas fait l’objet d’étude spécifique jusqu’à maintenant. Les pistes de solutions proposées ci-bas sont donc basées sur notre compréhension de la douleur et des particularités cognitives des enfants doués.

  • En tant qu’adultes, être conscients de nos propres expériences et croyances envers la douleur, et de la façon dont cela affecte nos réactions. Une étude récente sur la douleur chez les enfants, réalisée en Outaouais, s’intéresse d’ailleurs à cette question.
  • Au lieu de se concentrer sur la douleur physique, porter attention aux émotions que l’événement douloureux génère chez l’enfant. Qu’est-ce qui domine dans son discours? Le sentiment d’injustice, la frustration, la honte, ou est-ce vraiment la douleur qui prédomine?
  • Observer notre enfant afin de connaître ses « patterns », sa façon de s’exprimer ou de se comporter lorsque quelque chose ne va vraiment pas
  • Donner à l’enfant un objet rassurant et s’assurer qu’il est dans un endroit sécuritaire pendant la crise
  • Être sensible à notre façon de réagir à la douleur de l’enfant
  • Ne pas lui donner l’impression que l’hypersensibilité, ou que le fait d’exprimer la douleur sont un problème

  Une fois l’enfant calmé et réceptif :

  • Normaliser la douleur, dédramatiser. Expliquer à l’enfant que la douleur fait partie de la vie et qu’elle est même utile pour notre corps lorsqu’elle nous avertit que quelque chose ne va pas
  • Lui expliquer que le corps a la capacité de se réparer par lui-même en cas de blessure. Les enfants doués ont besoin d’avoir la « vraie » explication, éviter les métaphores et les explications trop simplistes

À propos de l’autrice

Claudie Audet

Claudie Audet est étudiante à la maîtrise recherche en sciences de la santé à l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue au sein de la Chaire de recherche en épidémiologie de la douleur chronique. Son mémoire vise à décrire l’usage de cannabis et l’automédication chez les personnes vivant avec de la douleur chronique. Travailleuse sociale depuis plus de 10 ans, elle s’intéresse également au fonctionnement psychosocial des enfants et des adultes doués.

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