Faut-il craindre les conflits familiaux ?

Les conflits

Il existe plusieurs relations au sein d’une même famille telles que la relation amoureuse entre les parents, la relation coparentale et la relation parent-enfant. Cela dit, être en relation avec une autre personne implique presque inévitablement des accrochages, de la tension et des compromis. Être en relation implique donc de faire face à des conflits. Ceux-ci correspondent à des situations dans lesquelles deux personnes ont des buts incompatibles. Les conflits peuvent notamment survenir lorsque des personnes ont des intérêts, opinions et perceptions différentes d’une situation. Mais lorsque le conflit survient, faut-il absolument en avoir peur ? Cet article, rédigé par Olivier Vivier et Eva Lefebvre, étudiants au doctorat en psychologie à l’UQÀM, fait le point sur ces questions.

Les conflits sont-ils juste négatifs?

On perçoit généralement les conflits comme étant négatifs. Toutefois, la manière dont nous gérons ces conflits demeure clé. Les stratégies de gestion de conflits peuvent avoir des répercussions positives ou négatives sur les autres relations dans la famille. On peut alors parler de gestion de conflits « destructive » et « constructive ».

La gestion de conflits : l’approche destructive

La gestion destructive de conflit implique des comportements qui ont tendance à rendre le conflit plus négatif et nuire à sa résolution. Par exemple, des comportements d’agression physique, d’hostilité verbale ou non verbale, ainsi que de retrait pourraient contribuer à rendre la résolution du conflit plus difficile.

Personne n’est à l’abri de la frustration et de la colère. Il demeure néanmoins important de prendre conscience de l’influence engendrée impact par la manière dont on exprime nos mécontentements. Exemples de stratégies de gestion de conflit destructives :

  • Agression physique : Lancer un objet.
  • Retrait : Se désengager de la situation, évitement de la situation de conflit ou refus d’entrer en conflit (à distinguer du recul, qui sert à donner du temps pour avoir une meilleure perspective et une meilleure approche lors de la résolution).
  • Hostilité verbale : Utilisation d’insultes, critique sur la personnalité du.de la partenaire (plutôt que sur le comportement ou la situation).
  • Hostilité non verbale : expressions de dégoût, tourner les yeux vers le ciel.

L’approche destructive : Conséquence sur les relations dans la famille

La gestion destructive des conflits peut avoir de multiples effets sur la relation de couple, mais les études se sont particulièrement concentrées sur l’effet qu’ils ont sur les pratiques parentales et les enfants. C’est sans surprise que la qualité de la relation amoureuse entre les parents est liée à la qualité de leur relation coparentale. Ainsi, si un conflit survient dans le couple et qu’il le gère de manière destructive, ceci peut également influencer les deux individus dans leur rôle de parent.

Par exemple, l’utilisation de ces stratégies peut mener à plus de désaccords dans les pratiques parentales, une discipline plus sévère et moins de comportements parentaux chaleureux (ex : affection, encouragement). C’est l’hostilité et la frustration qui émergent à la suite de l’utilisation de stratégies destructives qui affecterait la capacité des parents à répondre aux besoins de leurs enfants d’une manière sensible et adéquate. Des parents qui sont constamment dans un état de tension ou de stress auraient moins d’espace mental pour pouvoir interagir de manière efficace avec leurs enfants. Ceci est notamment observé lorsque l’enfant émet un problème ou des émotions négatives. Dans ces situations, les parents auraient tendance à fournir moins de réactions de soutien comme en minimisant le problème de l’enfant ou en le punissant.

Les interactions positives ou négatives entre les parents, par un effet d’entraînement, pourraient influencer avoir un impact sur le développement de l’enfant. Par exemple, les conflits dans le couple des parents (qui influencent leurs comportements parentaux) sont liés à l’adaptation sociale et scolaire des enfants. Ainsi, cela peut affecter la qualité de la relation avec leurs ami·e·s, ainsi que leur compétence sociale et leur réussite éducative. Aussi, l’utilisation de méthode destructive dans la résolution de conflit dans le couple des parents est associée à des réactions émotionnelles négatives chez l’enfant comme du stress, de la détresse émotionnelle ou de la tristesse.

La gestion de conflits : l’approche constructive

La gestion constructive réfère plutôt à la coopération, la résolution et la compréhension. C’est un travail d’équipe, et non pas une compétition où l’un·e est contre l’autre. Gérer un conflit, ce n’est pas nécessairement de trouver une solution puisque tous les conflits n’ont pas nécessairement une solution. C’est plutôt d’atteindre un niveau de compréhension et d’ouverture face à son·sa partenaire en lien avec la problématique et ses besoins.

Exemple de stratégies de gestion de conflit constructives :

  • Comportements qui témoignent du soutien : compréhension, écoute active
  • Utilisation de l’humour pour adoucir les émotions négatives
  • Prioriser l’expression d’émotions « soft » (être blessé) plutôt que d’émotions « hard » (colère)

L’approche constructive : Conséquence sur les relations dans la famille

Dans le couple des parents, gérer les conflits de manière constructive est essentiel pour maintenir la satisfaction conjugale et sa stabilité. Une relation romantique satisfaisante est d’ailleurs liée au bien-être en général ainsi qu’à la santé physique et mentale (Bühler et al., 2021; Proulx et al., 2007). Lorsque le couple utilise des stratégies constructives, ceci favorise une coopération efficace des deux parents dans leurs rôles parentaux et une relation coparentale harmonieuse. Le respect ressenti pendant les moments de désaccord permettrait au couple de se sentir plus aptes à soutenir leur partenaire dans son rôle de parent (p. ex. au niveau de la discipline).

Cette approche a de multiples avantages, autant pour les parents que pour les enfants. L’utilisation de cette méthode pendant les conflits parentaux est associée à des réactions émotionnelles positives comme de la joie chez l’enfant (McCoy, 2013). D’ailleurs, la « résolution » du conflit est une importante source d’apprentissage pour eux. Les conflits entre les membres de la famille permettent aux enfants d’avoir un modèle pour apprendre comment résoudre les conflits, de bonnes manières de communiquer, ainsi que la régulation des émotions (McCoy, 2013). Enfin, les expériences de conflits des parents sont une manière pour eux d’apprendre à mieux naviguer leurs propres conflits plus tard.

Bref, les conflits dans un couple sont inévitables. Ce n’est pas nécessairement la quantité ou la fréquence qui détermine la qualité des relations au sein d’une famille. C’est la manière dont ils sont gérés qui est essentielle. Les relations entre les membres de la famille ne sont pas isolées, elles s’influencent mutuellement. Utiliser des stratégies constructives est donc bénéfique pour toute la famille.

À propos de l’auteur et de l’autrice

Olivier Vivier

Olivier Vivier est étudiant au doctorat en psychologie à l’UQAM, au sein du Laboratoire d’Études sur la Santé Mentale des Enfants et des Adolescents. Il s’intéresse particulièrement aux relations interpersonnelles, la dominance sociale et l’agressivité. Ses autres intérêts de recherche portent sur les aspects cognitifs du développement humain et les biais cognitifs.

Eva Lefebvre
Eva Lefebvre

Eva Lefebvre est étudiante au doctorat en psychologie à l’UQAM, au sein du Laboratoire d’Études sur la Santé Mentale des Enfants et des Adolescents. Elle s’intéresse notamment aux adolescent.e.s et jeunes adultes, aux relations de couple et à la sexualité au sein du couple. Ses autres intérêts de recherche portent sur l’éducation et la psychologie positive.

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